Publicité

Confluences et divergences

10 mars 2014, 07:43

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Confluences et divergences

On ne pourrait pas être honnête et ne pas convenir que l’Édition 2014 de Confluences est un succès. Si certains trouvent à redire avec la liste des invités et des évités ou dans le budget d’un tel évènement , je ne m’arrêterais qu’au seul fait que ce rendez-vous annuel rassemble, dans une petite bourrasque d’effervescence plutôt réussie, un contingent non négligeable de Mauriciens amoureux de livres ou interpellés par les «débats» de quelques grosses pointures internationales (trop souvent françaises seulement, mais cela aussi s’explique) ou encore épisodiquement responsabilisés à l’idée de faire leurs enfants «goûter» à autre chose que Angry Birds… Ce fait est loin de me laisser indifférent dans ce pays où la médiocrité coûteuse, avec cocktails savoureux et alcools coulant à flot, fait trop souvent figure de «réussite».

 

Ce genre d’évènement a, par ailleurs, l’énorme mérite de nous laver quelque peu de notre insularité, d’un nombrilisme assez pernicieux pour nous engluer et nous retenir et nous empêcher d’avancer. Plenel parlait samedi de la nécessité pour les démocraties d’assurer le «mouvement» de leurs sociétés grâce à l’information, claire et complète. Il précisait d’ailleurs que la liberté de la presse n’est pas un privilège de journaliste, mais un droit des citoyens ; le journaliste n’étant que l’instrument de ce droit. C’est basique et lumineux ! Les zanimos, les gueulards de la République, les semi intellectuels ce sont les emmerdeurs de service qui empêchent les puissants d’en faire à leur guise, souvent rationalisé par leur «raison d’État», en fait synonyme d’embarras personnel.

 

Mais Plenel mettait davantage en exergue : alors que les Mauriciens qui partageaient les autres strapontins de son «panel» parlaient presque exclusivement d’eux-mêmes et de leurs (grandes) expériences respectives, Plenel était celui qui élevait et élargissait le débat en parlant de concepts, d’idées, de thèses, souvent avec une certaine modestie («Ce n’est que mon opinion et tous ne sont peut-être pas d’accord …» disait-il plus d’une fois). Les Mauriciens, par contraste, étaient plus catégoriques, plus affirmatifs, laissant peu de doute sur la justesse de leur opinion. L’insularité et l’encyclopédisme maintenu du système d’éducation, 45 ans après l’indépendance, rendrait-il un peu pédant ? Ceux qui posaient des questions, dans la salle, souffraient souvent de la même démangeaison … comme par exemple lors du tête-à-tête avec Jose Freches où un compatriote affirmait, tout simplement, la fin des cycles de l’histoire…

 

Autre exemple de nos particularités culturelles : nos attitudes face au débat contradictoire. Alors que Jean Noël Schifano se faisait ramasser sèchement par ses collègues de la «conférence à quatre voix» de dimanche, avant le déjeuner, notamment sur la question de la segmentation géographique des écrivains par sa maison d’édition, celui-ci ne cessait de faire la démonstration que ce n’était là qu’une différence d’opinion qui n’entachait en rien ses amitiés et son respect pour ses contradicteurs ! Un Mauricien, me semble-t-il, aurait été tenté de prendre cela plus personnellement, plus émotionnellement. Il aurait réagi face à l’«humiliation» publique que cela représentait. Il aurait peut-être évoqué un manque de loyauté. Il aurait peut-être conclu que ses collègues étaient désormais de l’autre bord, de l’autre «banne». Je me suis alors souvenu de la remarque de mon épouse que l’on ne peut, effectivement, se sentir humilié que si l’on est …humiliable !

 

Merci donc à Confluences d’avoir montré quelques pistes de nos insuffisances intellectuelles et de notre obsession pour nos pectoraux. Enfin, ce n’est que mon opinion et tous ne seront sans doute pas d’accord…