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Croissance : moins, c’est mieux ?
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Croissance : moins, c’est mieux ?
La messe est archidite. A réécouter les spécialistes de la chose économique, on comprend que si l’on ne favorise pas la croissance économique, l’investissement des capitaux étrangers, la création d’emplois et la productivité, et si l’on ne réduit pas le déficit budgétaire, la dette et autres dépenses publiques, on va droit dans le mur. Les camemberts des experts démontrent clairement que les recettes de l’Etat mauricien sont largement inférieures à ses dépenses. Ce solde négatif, qui a tendance à empirer d’année en année, surtout après le généreux rapport de Dev Manraj sur les « errors and omissions » du PRB, révèle au moins une chose que nous ne voulons pas concéder : nous vivons au-dessus de nos maigres moyens. En somme, nous avons les yeux plus gros que le ventre…
Comme chaque année, les commentaires post-Budget égrènent diverses actions économiques nécessaires pour permettre le retour à une croissance forte, synonyme ou condition sine qua non de progrès.
A défaut de faire notre bonheur, une forte croissance en serait donc le moyen incontournable, nous assure-t-on, avec bon sens et chiffres à l’appui. Et ce, même si, dans la pratique, c’est-à-dire le partage politique du gâteau économique, ce sont toujours les mêmes qui bouffent tout.
Il est un fait qu’il faut probablement assouvir un certain niveau minimum de bonheur matériel (lui-même invariablement lié au consumérisme, selon la théorie de Maslow) avant d’opter pour des valeurs plus sûres, plus pures. Parce que clairement, pour occulter la croissance, il nous faut changer de mode de vie et consommer moins. Maurice, contrairement aux pays développés, et ses citoyens, qui touchent entre Rs 3 000 et Rs 25 000 par mois, ont sûrement encore besoin de consommer et de connaître plein de bonheur matériel d’abord.
Et si on se trompait, si on avait tout faux ? Si la bonne question à se poser était : notre modèle de prospérité actuel, basé sur la croissance, est-il vraiment viable à long terme ? La réponse à cette question pourrait nous éloigner des discussions, certes essentielles, interminables et lassantes sur l’évolution bête et méchante du Produit intérieur brut. Elle pourrait nous freiner légèrement, juste assez pour lever la tête du guidon et pour réfl échir en d’autres termes, comme « Bonheur national brut », qui mobilisent depuis quelque temps chercheurs et statisticiens.
Dans plusieurs pays développés, il existe des indicateurs alternatifs de développement qui démontrent que la croissance n’entraîne pas automatiquement le bien-être de la population. Au contraire, ces études affirment que vivre dans le mythe de l’exponentielle croissance ne peut que détruire la planète. Les « avocats de la décroissance » plaident pour travailler mieux, pour consommer moins et pour réfléchir plus, car une décroissance aurait au moins le mérite de sauvegarder notre écosystème, surtout s’il est fragile et vulnérable comme le nôtre… La question écologique, si on la prend au sérieux, nous oblige à remettre en cause le système actuel.
Si, dans la théorie économique traditionnelle, davantage de croissance équivaut à davantage de bonheur (de la population comme du citoyen), les nouvelles donnes révèlent de plus en plus que la relation entre situation financière et bonheur de l’individu est bien plus complexe. La hausse du revenu, lorsque le revenu est faible, aide certes à l’amélioration du bonheur, mais passé un certain seuil (qui varie selon les études et les pays), l’augmentation du revenu n’a plus d’incidence sur le bonheur, qui a, par ailleurs, d’autres déterminants.
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