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C’mon… C’monline…
Dans l’univers en ligne qui est de plus en plus le nôtre, il n’existe pas vraiment de frontières, les démarcations entre le local et l’étranger ne cessent de s’estomper ; les floués de Whitedot, les flash floods, les escapades du loup-garou de Vallée-Pitôt ou les euros anonymes de Cahuzac, indifféremment, peuvent pimenter nos conversations.
Et s’intéresser ici à la délinquance financière du médecin capillaire devenu, en France, ministre du Budget, ce n’est nullement perdre de vue nos préoccupations locales les plus pressantes et familières.
Le comportement financier de Jérôme Cahuzac, soupçonné de dissimulation, mensonge et, sans aucun doute, imposture idéologique, aurait-il seulement été connu sans le site d’information en ligne Mediapart ? Quand on voit, en France, un titre aujourd’hui installé, Libération en l’occurrence, adopter un fort étrange comportement, il n’est pas interdit de se poser quelques questions. Le lundi 8 avril, l’ancien journal libertaire fait état d’un compte en Suisse que détiendrait le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Moyennant une vraie enquête, rien n’interdit de publier une information de ce type, sauf que le journal d’Edouard de Rothschild se permet de désigner Mediapart comme sa source d’informations. Depuis quand revèle-t-on ses sources ? A plus forte raison quand cela est susceptible de compromettre une éventuelle enquête d’un confrère ? Après l’effet Cahuzac sur l’ensemble des médias français, assisterait-on aux premières réactions du capital industriel de la presse établie contre les défis du virtuel ?
La rumeur relayée par Libération a été démentie par Laurent Fabius, provoquant un tweet indigné du directeur de Mediapart, Edwy Plenel, de même qu’un communiqué de la Société civile des rédacteurs de Libération (SCPL). Cela se lit ainsi : « La SCPL déplore que Libération ait relayé une rumeur sans fondement sur un prétendu compte en Suisse de Laurent Fabius, avec pour effet de l’accréditer. Notre travail de journaliste ne consiste pas à rendre publique une rumeur, mais à enquêter pour savoir si elle correspond à des faits. Ce travail élémentaire n’a pas été fait. Il s’agit là d’une faute déontologique grave. »
Alors que certains dilapident leur crédit, d’autre voient s’accroître l’estime dont ils jouissent. Mediapart, on le sait, a fait l’audacieux pari de se financer uniquement par les abonnements, sans publicité. Après avoir maintenu la pression sur le ministre français du Budget depuis décembre 2012, l’équipe d’Edwy Plenel voit sa rigueur reconnue à nouveau. Selon un article publié par Le Figaro, le 11 avril, « le site d’information qui a fait éclater l’affaire Cahuzac a gagné plus de 10 000 abonnés depuis la démission de l’ancien ministre du Budget, le 19 mars […] L’ensemble atteint donc environ 75 000 abonnés alors que Mediapart en comptait près de 64 000 avant la démission de Jérôme Cahuzac ». En 2012, Mediapart, qui compte 45 salariés, dont 31 journalistes, a atteint un chiffre d’affaires de six millions d’euros. Fondé en 2008, Mediapart a break even en 2010, dégageant des profits de 510 000 euros en 2011, de 700 000 euros en 2012. La croissance des abonnements paraît tributaire des révélations de grandes affaires. Ainsi, en 2010, après les exclusivités du site sur l’affaire Bettencourt, il y eut un boom du nombre d’inscrits. Une tendance que Cahuzac semble bien confirmer.
Le virtuel allège les coûts généraux de ceux du papier, de l’impression, de la diffusion. Mediapart a prouvé que cela permet de consacrer ces ressources à la qualité du journalisme. Ce qui avait aussi été la logique de Tarun Tejpal, en Inde, au moment du lancement de Tehelka.com. Avec les ressources nouvelles que sont les blogs et les réseaux sociaux, soutenue par les freedom of information acts là où elles ont été adoptées, une nouvelle aventure prend forme. Résolument citoyenne.
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