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Dangereuses perspectives

16 septembre 2012, 08:22

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La décision du PMSD, vendredi, de s’opposer lui aussi à tout nouveau recensement ethnique de la population comme voie de sortie au dilemme évoqué par le Comité des droits de l’homme des Nations unies, devrait contribuer à tuer dans l’oeuf cette absurde et dangereuse perspective, agitée ces jours- ci ( avec une insoutenable légèreté) par Arvin Boolell, Shakeel Mohamed et Patrick Assirvaden.

Quarante cinq ans après l’indépendance nationale et 30 ans ( toute une génération !) après l’abolition par le MMM de cette choquante disposition administrative, dans une île Maurice plurielle, demander aux Mauriciens de se classifier eux- mêmes ou accorder à des fonctionnaires le pouvoir de les classifi er arbitrairement en groupes ethniques prédéterminés serait une aberration morale et légale qui nous ramènerait à l’obscurantisme des années 60. Avec les revendications de groupes et sous- groupes, nous serions précipités tête baissée vers la « libanisation » totale du pays.

Il n’en est pas question. La probabilité est d’ailleurs, d’une part, que la démarche serait contestée - sans doute avec succès - en Cour Suprême, et d’autre part, qu’un vaste mouvement de jeunes et de partis s’organiserait aussitôt pour saborder en pratique la proposition, invitant les Mauriciens à refuser par principe de se classifier ethniquement.

Il ne faut donc se faire aucune illusion : la proposition d’un nouveau recensement ethnique en 2012 est mort- née.

De la même manière, il n’est absolument pas question que l’on substitue à la notion de « communautés » celle encore plus dangereuse de la classifi cation religieuse comme base de calcul pour la désignation de parlementaires nommés.

La religion relève du domaine strictement privé, n’a rien à faire avec les alignements politiques et doit impérativement demeurer hors du champ infernal des calculs partisans. La religion à Maurice, c’est la dernière frontière, le dernier refuge.

Dans un petit pays, qui compte déjà une multitude croissante d’expressions religieuses, hisser le facteur religieux dans les équations politiques partisanes serait de la folie furieuse.

Le « way of life » est un autre critère tout aussi imprécis et dérisoire. Aujourd’hui, nos enfants – quelles que soient les origines de nos familles - parlent le même langage, font plus ou moins les mêmes études, portent les mêmes vêtements, dansent sur les mêmes musiques, arborent le même look, s’aiment librement les uns les autres, aspirent aux mêmes choses, consomment les mêmes fast foods, vivent les mêmes difficultés de la même manière, émigrent vers les mêmes pays. C’est ne rien comprendre à l’évolution du monde actuel que de vouloir les enfermer dans des bulles communales étroites alors qu’ils sont destinés à devenir de plus en plus des citoyens du monde, réunis dans une même universalité. Sur ces trois questions, il est temps que les hommes et femmes de progrès fassent bloc.

Le MMM a mauvaise conscience sur toute la question de best losers . Il se perd dans ses contradictions et trompe le pays quand, refusant ( avec raison) la classification communale mais interrogé sur la manière de choisir les best losers qu’il souhaite maintenir, il suggère qu’il suffi rait de « quelques questions » qui restent à préciser pour désigner les best losers dans une catégorie ou une autre. Ce faux- fuyant ne tient pas la route : en vérité, le Best Loser System et une base mathématique de représentation communale sont deux frères siamois. L’un ne peut opérer sans l’autre. Quel que soit l’angle abordé, le dilemme pour l’opposition reste entier.

Il l’est d’autant plus, ces jours- ci, que le MSM, partenaire électoral du MMM, vient de lancer un véritable pavé dans la mare, avec sir Anerood Jugnauth plaidant pour le « maintien intégral » des best losers , alors que Bérenger affi rmait à Radio One cette semaine que le MSM avait « accepté la position du MMM » ( une réduction à 4 du nombre de best losers ).

Enfonçant le clou, Pravind Jugnauth affirmait, lui, à un congrès, jeudi, que « la réforme électorale n’est pas une priorité » , prenant nettement à contre- pied Bérenger qui insistait la veille sur les ondes sur le fait que c’était « ce qu’il souhaitait le plus » au monde. Le MSM se découvre ainsi peu à peu mais il complique encore davantage la vie de Bérenger : SAJ n’a en effet aucun intérêt à favoriser une réforme qui, du fait de l’introduction de la proportionnelle, permettrait au MMM de se passer demain de lui, et qui le priverait de son principal levier d’infl uence : faire que le MSM domine toute alliance avec le MMM, alors que son soutien électoral effectif n’est que marginal.

Peut- être est- ce dans la formule de Rama Sithanen ( l’incorporation du Best Loser System dans la proportionnelle par le mécanisme dit de « subsuming » ) qu’on pourra faire avancer la réflexion. Mais là encore, il y a loin de la coupe aux lèvres et l’opposition n’a pas bondi de joie à la lecture des propositions Sithanen.

A mesure que les alignements partisans se précisent, les contradictions autour du système électoral se multiplient et s’amplifient. La réforme électorale est, en défi nitive, un test de maturité démocratique pour Maurice. Pour l’instant, nous sommes en train d’échouer piteusement.

« C’est ne rien comprendre à l’évolution du monde que de vouloir enfermer nos enfants dans des bulles communales étroites alors qu’ils sont destinés à devenir des citoyens du monde, réunis dans une même universalité. »
 
 

Par Lindsay Rivire