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A demi plein ? A demi vide
Ce pays nous enchante souvent. Il est très beau, de fait, parfumé qu’il est par la mer des Indes, irrigué par les migrations de nos ancêtres fuyant des ailleurs pas très prometteurs à leurs yeux ou arrachés à leur condition fragile par des négriers. Il est stimulant, ce pays constitué de cultures et de religions les plus diverses qui se côtoient et se comprennent de plus en plus, malgré les efforts de certains pour s’isoler, se cloîtrer, se singulariser. Ce pays est fort heureusement souvent fusionnel, des fêtes qui sont a priori la propriété de groupes particuliers se voyant adoptées par la nation et investies chez les « autres » par la voie du partage : briani, gâteaux Divali, gâteaux Marie … Notre réseau routier s’allonge enfin un peu et allège certains tronçons de leur insuffisance, voire de leur inefficience. On nous devait aussi un aéroport moderne : on l’a ! Sur le plan économique, ce n’est pas l’euphorie, ni même le « feel good » pour la grosse majorité des acteurs, mais beaucoup de pays seraient prêts à tuer pour notre taux de croissance et notre chômage relativement supportable. En ce moment, les arbres fleurissent, rouge écarlate, jaune safran, rose indien, et les fruits nous invitent à des voyages de succulence qui nous font « blie mizer » ! Nous sommes en démocratie, même s’il y a souvent trop peu de démocrates. Il y a des shopping malls partout (trop !), les services de santé s’améliorent, les touristes nous trouvent encore désirables, nos hôtels sont spectaculaires et récoltent d’excellentes notes de service. Notre Premier ministre parle chaleureusement du « mauricianisme » en nous assurant que 45 ans après l’indépendance, nous sommes suffisamment mûrs pour nous affranchir de nos clivages constitutionnels. Lui-même aurait dit être de la « population générale » et nous lui faisons crédit qu’il voulait en fait dire de la « population » en général…
Aucun pays n’est parfait. Gouverner, ce n’est jamais facile. Pour tendre vers le mieux, que faut-il faire ? Applaudir ce qui est bien et critiquer ce qui est critiquable nous paraît être une formule crédible tant elle est pratiquée par la race humaine, avec succès, depuis des lustres. La carotte et le bâton, c’est ce qui permet d’ailleurs, quand le dosage est juste et l’investissement adéquat, à des parents de « réussir » leurs enfants. Trop de bâton et on produit des amers, des névrosés, des fragilisés ou des « garçons mami ». Trop de carotte et on finit avec des enfants ne connaissant pas de limites, exigeant du plaisir instantané, généralement sans effort. Pour le pays, c’est très similaire : la flatterie devenant flagornerie, monte à la tête, fait décoller de la réalité, parfois même jusqu’au niveau « enn tigit pli tipti ki bondie », occulte les dérives, oblitère le viol des principes. Une savante dose de critique et de rappel à l’ordre, loin d’être une agression, est à notre sens un devoir envers ce pays que l’on aime et que l’on veut voir progresser. C’est aussi une responsabilité citoyenne pour arrêter les dérapages, réduire les occasions ratées, renforcer les institutions, consolider les principes tonifiants. Et « faire la guerre, avec des armes de lumière, aux idées obscurantistes et aux facétieux de tous bords » comme le disait si bien l’éditorial fondateur de l’express, il y a 50 ans cette année.
Parfois, il sera nécessaire de casser ce qui ne marche pas pour « ranze » ce qui est devenu nécessaire ! C’est clair, non ? En parlant de quoi : si nous sommes assez mûrs pour être affranchis de nos clivages constitutionnels, quand le seronsnous pour être affranchis du monopole de la production télévisuelle locale de la MBC ?
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