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Des signes et désordre
Il y a des signes qui trompent et forcément d’autres qui ne trompent pas. Alors décoder ces signes n’est pas toujours donné, surtout lorsqu’on n’est pas en présence de toutes les données. Ces sept derniers jours, j’ai écouté ou entendu des journalistes, policiers, politiciens, travailleurs sociaux, psychologues, pseudo-sociologues et même de vrais pêcheurs tenter d’expliquer, avec inquiétude, et souvent avec une grande certitude, la série de crimes passionnels qui se sont relayés à la Une de nos journaux. Le régime en place, la démotivation des policiers, les films violents, les téléphones portables, Internet, les moeurs emprisonnées ou libérées, la perte de certaines valeurs, le chômage ou les femmes qui désormais travaillent, l’alcoolisme, la cherté de la vie et même le capitalisme ont été mis en examen.
Il y a des signes, dit-on, que Maurice tombe «de plus en plus malade» alors que le pays (ou plutôt ses dirigeants) aspire à passer à un nouveau palier de développement, supérieur en termes de PIB, mais qui ne se traduit pas forcément en qualité de vie. Ils n’ont sans doute pas tout à fait tort, ni tout à fait raison : chaque histoire tragique est unique et multiple et complexe à la fois, comme notre identité, fluide et plurielle.
En revanche, malgré toutes ces analyses de la rue, il existe des signes qui parviennent au public sans décodeur : si nos policiers (et nos pompiers et gardes-chiourme aussi, apprend-on) sont eux-mêmes frustrés, ou victimes de «malaise», qui va garantir notre sécurité intérieure ? Il y a des questions en suspens qui minent l’image de nos autorités. Par exemple, pourquoi dépêche-t-on, à Rodrigues, deux responsables du «Central Criminal Investigation Department» (alors que les crimes et affaires ne manquent pas à Maurice) pour «superviser» un inspecteur de police qui aurait résolu un meurtre vieux de 14 ans ? Pourquoi le surmédiatisé inspecteur Moorghen, devenu pour certains un héros à Rodrigues, a-t-il été mis sous l’éteignoir ? Combien de transferts punitifs ou promotions automatiques y a-t-il eu au sein de la police, avec ou sans intervention des politiques ?
Une chose est sûre : le manque de communication sur les remous causés par la réouverture de l’enquête sur la mort de Barthélemy Azie fait jaser – et risque de faire douter – le public.
On l’a souvent dit : certains comportements de certains policiers peuvent nuire à la réputation de l’ensemble de la profession. C’est pour cela que les Casernes centrales doivent apprendre à mieux communiquer et surtout encourager la création d’une Police des polices, transparente et efficiente, qui serait un outil de veille citoyenne du «law and order», pas un faiseur d’omerta, comme le « Complaints Investigation Bureau» a tendance à l’être, ou une « Human Rights Commission» qui n’existe que sur papier.
À travers une interaction intelligente avec le public, la police sera plus efficace sur le terrain et éviterait de devenir ce défouloir qu’elle est actuellement. Le nouvel ordre des avocats, conscient du travail à faire pour redorer le blason de sa profession, devrait, de son côté, reconstruire au plus vite les ponts avec la police. Quand les avocats et les policiers se tirent dessus en permanence, ce sont les enquêtes qui capotent et les victimes qui écopent…
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