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Dieu et mon fric

5 février 2012, 03:34

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Si « Dieu et mon droit » est la devise de la monarchie britannique, se pourrait-il que « Dieu et mon fric » soit celle de certaines associations socioculturelles locales ? On peut légitimement se poser cette question après la vive réaction du président de la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation (MSDTF). Somduth Dulthummun a, en effet, très mal pris la décision de la mairie de Port-Louis de réduire ses subventions aux associations religieuses de Rs 2 millions. « En temps et lieu, les électeurs sauront utiliser leurs votes », a-t-il déclaré à defimedia.info en guise de menace à peine voilée envers les responsables politiques de la capitale.

Il y a quelque chose d’absurde dans cette posture. Citons une « autorité » en matière culturelle – le ministre Mookhesswur Choonee – pour démontrer cela. Le discours d’août 2010 du ministre de la Culture est passé à la postérité pour son apologie du système des castes à Maurice. Mais ce même discours contient une autre vérité : Maurice est le seul pays laïc au monde qui subventionne directement les religions installées sur son territoire. Un patron d’organisation socioculturelle, au lieu de critiquer une baisse dans les dotations publiques à son association, devrait donc plutôt remercier régulièrement l’Etat… et les contribuables de leur générosité.

Parlons-en, d’ailleurs, du contribuable. C’est du contrat social que découle l’obligation qui lui est faite de participer au financement des prestations de l’Etat dans la santé, l’éducation, la sécurité ou la solidarité notamment. Bon gré, mal gré, le taxpayer de base comprend que les milliers de roupies qu’il contribue chaque année au fisc servent à financer des services essentiels. Mais la religion est-elle seulement un « service essentiel » que le citoyen est tenu de financer au titre du contrat social ? Cette obligation s’étend-elle d’ailleurs à l’athée qui ne mettra jamais les pieds dans un lieu de culte durant sa vie ? Des dirigeants d’associations socioculturelles gagneraient à se poser ces questions avant de considérer les dotations publiques comme les droits acquis des institutions qu’ils dirigent.

Comment ces droits ont-ils d’ailleurs été acquis ? Il faut remonter à 1955 pour avoir la réponse. Sookdeo Bissoondoyal souligne alors une grave injustice aux autorités coloniales. Seules les églises catholiques et anglicanes reçoivent alors les aides publiques. Au nom du principe de l’égalité, les autorités coloniales étendent les aides publiques aux musulmans et aux hindous du pays. Alors incapables de pourvoir directement et généreusement au financement de leurs cultes respectifs. Près de 60 ans plus tard, chacun reçoit toujours des aides publiques au prorata du nombre d’adeptes qu’il compte dans le pays. Mais beaucoup de choses ont changé pendant ce temps…

D’abord, les communautés hindoue et musulmane se sont émancipées économiquement. Il n’y a qu’à voir le nombre de nouvelles mosquées et la finesse des statuettes ornant les nouveaux temples hindous et tamouls pour comprendre que les associations socioculturelles, loin de ne compter que sur les quelques millions annuels de l’Etat, se tournent davantage vers de généreux mécènes privés pour leurs gros projets de développement.

C’est d’ailleurs cette réalité qui amène Nassir Ramtoolah, président de la Jummah Mosque, à expliquer que la décision de la mairie de Port-Louis n’influera pas sur les finances de la grande mosquée de la capitale. Tout simplement parce que celle-ci compte sur ses fidèles et non sur les subventions de l’Etat ou de la municipalité pour vivre. Le cas de la Jummah Mosque semble parfaitement illustrer comment une association socioculturelle devrait fonctionner. C’est l’implication – notamment financière – de fidèles qui devraient permettre à une association socioculturelle de financer ses activités et ses projets de développement et non l’argent de l’Etat… celui de tous les Mauriciens !

Au final, il y a quelque chose de très ironique chez ceux qui ont « Dieu et mon fric » pour devise. Ils sont les premiers à se plaindre de coupes dans les aides publiques. Mais aussi les premiers à dire qu’ils ont des centaines de milliers de « followers ». Est-ce à dire que leurs adeptes sont de pieux radins ? Ou alors que l’argent de l’Etat, plus on en reçoit, plus on en réclame ?