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Dilemme Majeur
L’État pense qu’il n’est pas dans l’intérêt public de poursuivre, à ce stade, la fillette que nous avons faussement prénommée Elsa. C’est un cas criminel suffisamment rare et compliqué – la fillette étant à la fois victime et meurtrière – pour qu’on s’y attarde. De plus, quelques faits dits divers – qui sont davantage des faits de société – par exemple, la récente arrestation de deux garçonnets qui auraient «abusé» de leur voisine (âgée de dix ans elle aussi !), ainsi que la valse-hésitation de nos autorités et d’autres voix citoyennes autour de l’arrestation, puis la détention, de la fillette, nous donnent l’impression que la criminalité juvénile, provoquée ou pas, est un dilemme sur lequel nous ne nous sommes pas vraiment penchés, car justement nous n’y sommes pas suffisamment exposés.
Le premier constat demeure l’écart majeur entre les charges des présumés criminels adultes et celles des mineurs. Si Elsa avait huit ans de plus, malgré les circonstances ayant mené au meurtre, elle aurait passé, chez nous, de longues années derrière les barreaux. En général, la justice, comme l’opinion publique, oscille entre les deux extrêmes du balancier : compréhension ou répréhension, et ce en suivant les courants idéologiques ou politiques en vigueur, quand ce ne sont pas les événements les plus médiatisés. La justice d’un pays confrontée à un(e) accusé(e) mineur(e) doit techniquement choisir entre deux types de sanctions : soit une mesure soit une peine. La peine inclut notamment la réprimande, l’amende ou la privation de liberté, qui n’est pas souhaitée, selon la convention des droits de l’enfant de l’Onu. Entre ces deux voies, c’est l’objectif qui importe. La peine ambitionne surtout à punir, à neutraliser, à faire l’exemple aussi, alors que la mesure a surtout un objectif thérapeutique ou éducatif.
Il y a aussi le contexte du pays, de la société. Si à Maurice, Elsa va retrouver ses parents, ailleurs ce n’aurait pas été possible. Au Burkina Faso, par exemple, où la violence juvénile a pris des proportions alarmantes à cause des facteurs sociaux et économiques (pauvreté et chômage, migration, trafic humain, entre autres) les mineurs qui sont pris après avoir commis des actes de délinquance sont condamnés à des peines d’emprisonnement ferme, même si la Convention de l’Onu insiste que la privation de liberté d’un(e) mineur(e) doit être une mesure de dernier recours et être limitée à des cas exceptionnels. Aux USA, dans près d’une trentaine d’États, la justice pouvait, jusqu’à tout récemment, condamner un enfant de quatre-cinq ans à la perpétuité pour des actes très graves, comme le crime (car la peine de mort ne s’applique pas aux moins de 16 ans).
Dans d’autres pays, on questionne de plus en plus la notion même du droit du mineur : pourquoi sur le plan juridique, ou procédurier, devrait-on traiter le mineur différemment de l’adulte ? La Turquie avait un seuil relativement bas en Europe : le code pénal estimait, au départ, qu’à l’âge de sept ans, un jeune pouvait être considéré responsable de ses actes. Cette limite avait été remontée à douze ans, puis est maintenant redescendue à dix ans.
Chez nous, il est clair que la petite Elsa est venue secouer nos cocotiers : une réforme de l’organisation de notre justice pénale des mineurs paraît nécessaire, non seulement pour clarifier le fonctionnement, mais aussi pour redéfinir les principes qui s’applique(ro)nt dans le cas des enfants criminels. Car la législation d’un pays devrait refléter, dans une grande mesure, les valeurs et principes prônés par sa société. C’est d’autant plus vrai quand il s’agit de problématiques qui reviennent en surface, malgré notre conservatisme, comme l’homosexualité, l’avortement, la dépénalisation du gandia, la pédophilie ou la criminalité juvénile…
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