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Entendre le travailleur
Nous serons, demain, obnubilés par les foules. Entraînés, par les politiques, dans le jeu malsain de la guerre du nombre, nous ferons des pronostics, nous soupèserons les chances des alliances, nous essaierons de deviner la composition du prochain gouvernement.
Et nous aurons tort. Abrutis par les cris des excités, partisans aux convictions douteuses, nous risquerions de ne pas entendre ce discours qui, immanquablement, révélera la véritable préoccupation de la population, celui dont se feront l’écho les syndicats : quel espoir donner au travailleur en ce 1er mai ?
Le travailleur a peur. Les mesures de sauvetage de Sithanen ne suffisent pas à le rassurer. Ces signes d’inquiétude sont palpables.
Il ne s’est pas passé un week-end, ces derniers temps, sans que la rue ne soit le théâtre de manifestations. Entre le «sale by levy», le gel de la compensation et l’incinérateur, il y a apparemment peu de liens. Pourtant, le message est clair : à tort ou à raison, le sentiment d’un gouvernement insensible et lointain est fort. Le travailleur voit l’horizon qui s’assombrit, il sent les patrons braqués, il sait que la situation empirera, il craint les conséquences sur sa vie. Il veut qu’on lui parle, qu’on porte sa cause.
Il aurait été sain que les partis politiques épousent leur cause. Cette année plus que les autres, ils auraient dû accorder leur attention au travailleur, fragile comme jamais. Ce malaise social, il est trop lourd pour être porté par les syndicats sur la place. Les partis politiques, eux, ont les moyens d’agir à partir de la détresse, de changer les situations. Rappelons-nous le meeting Grégoire, le 1er mai dernier. Par sa grande disponibilité à écouter la détresse d’une grande majorité, à canaliser leur désespoir, à leur rendre l’espoir, à faire entendre leur voix, il avait galvanisé une foule aussi grande que celle des partis politiques.
L’effet cathartique aura été bienfaisant. Mais après ? Il n’avait pas de réponse à leur inquiétude. Les partis politiques peuvent représenter un espoir réel.
Mais les travailleurs ne se retrouvent pas dans les partis politiques.
Ceux-ci sont occupés à autre chose. Ils sont tous pris dans la «mouvance électorale». Ce 1er mai est l’étape politique ultime qui devrait déterminer la stratégie à venir, car au rendez-vous de mai 2010, il sera trop tard pour réagir. Alors ils font campagne. Les uns sont engagés dans une querelle de place; une intervention au meeting, une place sur l’estrade, un poste de Premier ministre. Les autres s’attardent à percer le jeu communal de leurs adversaires.
Et ils méprisent ceux qui feront les élections.
Gardons-nous d’entrer dans le jeu des politiciens. Gardons-nous de cette obsession de la foule du 1er mai. Elle est d’ailleurs devenue un leurre. Hier, elle était un baromètre permettant de signaler la popularité des camps, le degré d’adhésion. Mais aujourd’hui, elle a perverti les consciences. Par ce qu’elle est censée refléter leur force, être un outil de séduction pour partenaire potentiel, les dirigeants politiques sont prêts à vendre leur âme, à mentir, à tromper pour grossir leur foule de quelques têtes de plus. C’est celui qui aura le plus de moyens qui aura la plus grosse foule…
Gardons-nous de la folie des foules. Et portons notre réflexion à l’essentiel. Quel espoir pour le travailleur ?
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