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Etranglement et dégringolade
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Etranglement et dégringolade
Il y a plusieurs manières d’étrangler une presse et de réduire au silence des journalistes qui dérangent pour qu’ils cessent de fouiner et de dénoncer les dérives du pouvoir. Maurice a vite fait d’apprendre de ce qui se fait ailleurs dans le domaine de l’intimidation et d’étranglement de la presse indépendante quitte à porter le bonnet d’âne et se retrouver au piquet de la classe des Reporters sans Frontières par une dégringolade spectaculaire de pas moins de quatorze étages à l’indice de la liberté.
Quelques états liberticides n’hésitent pas d’envoyer en prison des journalistes ou de les trucider. Grigori Pastor a fait dix ans de taule pour avoir enquêté sur les pannes des sous-marins nucléaires russes et Anna Politkovskaïa a été assassinée pour avoir dénoncé les massacres de l’armée russe en Tchétchénie. En France, l’Elysée peut faire pression sur un certain nombre de groupes de presse pour faire renvoyer des journalistes à l’instar du rédacteur en chef de Paris Match et peut même censurer des articles. Un journal parisien en a fait les frais pour avoir enquêté sur l’abstention de Mme Cécilia Sarkozy au second tour. Ce sont des méthodes primaires des puissants qui estiment qu’ils peuvent agir en toute impunité pour réduire au silence des voix discordantes ou dissidentes. Depuis est né un nouveau sport en France : le media boxing.
Il y a, comme on le sait, d’autres moyens plus subtils non moins efficaces. Le meilleur demeure l’étranglement économique. En Italie, le président du Conseil, Sylvio Berlusconi, qui contrôle personnellement plusieurs médias, veut réduire au silence l’Unita et le Reppublica en leur privant de la publicité gouvernementale réservée aux journaux qui sont à sa botte. Au Maroc, Nichane, l’hebdo arabophone indépendant, vient de mettre la clé sous le paillasson totalement asphyxié faute de publicité gouvernementale contrôlée par un ‘holding’ royale.
Ahmed Benchemsi, le directeur de Nichane, il est vrai n’a cessé de dénoncer les dérives de Mohammed VI. Ces exemples ne sont pas exhaustifs. Dans nombre de pays africains, la notion de liberté de la presse n’existe même pas parce que, loin des projecteurs, des journalistes croupissent en prison et crèvent dans l’indifférence générale.
Mais d’autres méthodes aussi existent pour tenir les journalistes en laisse, pour les museler afi n de leur interdire d’aboyer. C’est une formule de Dan Rather, journaliste à «CBS» pendant des années avant d’être réduit au silence. La recette est toute simple : créer tout un arsenal juridique de répression prétendument pour protéger le citoyen et pour sanctionner les manquements des journalistes à l’éthique ou la déontologie. C’est le cas en ce moment en Afrique du Sud qui veut instituer un «Tribunal des Médias» qui dépendrait d’un pouvoir politique corrompu. A ce titre, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire Mail and Guardian, Nicholas Dawes, réplique que c’est totalement superflu parce que n’importe quel journaliste sud-africain peut être jugé pour diffamation.
Il y a aussi la parade d’encourager d’autres groupes disposant de puissants moyens à se lancer dans l’industrie de presse dans le but de limiter l’influence de la presse indépendante. Soit ! Tant que cette tentative se résume à une saine concurrence qui ne soit pas doublée d’un boycott pour mettre à genou ceux que le pouvoir considère comme des empêcheurs de tourner en rond !
Navin Ramgoolam, il faut lui reconnaître ce mérite, s’est manifestement beaucoup inspiré de ce qui se pratique ailleurs dans sa tentative de déterminer la ligne du curseur du politiquement acceptable.
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