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Etre ce que nous sommes

12 octobre 2009, 17:44

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Elle fut définitivement un plaisir, cette soirée de présentation de la stratégie nationale de « branding ».

Pour les sens, pour l’humeur, pour l’égo. Nous avons beau connaître nos richesses communes, les voir ainsi mises en scène avec autant d’acuité aura été une agréable surprise. Mais ce fut surtout un plaisir de voir l’aboutissement d’un projet si nécessaire. C’est un acte qu’il fallait poser depuis longtemps, un acte responsable.

Notre isolement, notre petitesse nous condamne à l’invisibilité dans cette foule de nations aux ressources abondantes qui se livrent une concurrence libre et intense.

Il faut se faire remarquer, montrer notre différence, ce qui nous distingue, pour influencer la décision de l’investisseur ou du vacancier. En dégageant le trait qui nous singularise, puis en imprégnant en bloc à toutes nos activités et relations extérieures cette marque unique, nous accroîtrons nos chances d’être vus et entendus.

On entend ici et là des persifleurs s’étonner qu’autant d’argent ait été versé… pour apprendre ce qu’on sait, qui on est.

L’exercice aura été onéreux certes. En vérité, c’est beaucoup d’économies réalisées.

Une destination qui a une image forte et positive a moins d’investissement à faire pour se promouvoir auprès de la clientèle puisque celle-ci croit déjà en ce qu’on lui vend. La tâche se résumera à l’avenir à aider les acheteurs à trouver le produit, pas à les convaincre.

L’exercice était nécessaire mais est-il réussi pour autant ? La stratégie de marque proposée repose sur le postulat suivant : « Maurice – le lieu et ses habitants – est une terre nourricière ; sa générosité d’esprit et son environnement permettront aux individus et familles de réaliser leur véritable potentiel. » Comment juger de l’efficacité du positionnement choisi ? Prenons un exemple d’une stratégie de marque qui a marché et essayons de comprendre ce qui a fait son succès.

La Nouvelle Zélande est souvent citée.

Terre d’agriculture, isolée, éloignée de ses marchés, elle souffrait d’une image vieillotte. Elle s’est repositionnée, s’appuyant sur la pureté de son environnement naturel et de sa production, jouant sur la destination aventure et les valeurs liées au sport. Elle s’est choisie comme slogan « 100 % pure » accompagné de l’image d’une fougère. Aujourd’hui, elle est une destination jeune incarnant la fougue, la pureté, le dépaysement. Elle a servi de paysage au film « Le Seigneur des Anneaux ». Et le « Conde Nast Traveller » de ce mois-ci la classe en deuxième position des « Best Travel Experiences 2009 ».

L’analyse du cas indique que le succès du « branding » de la Nouvelle Zélande tient en premier lieu à la clarté du message, à la cohérence et la crédibilité de l’argument, à l’image forte et au symbole immédiatement reconnaissable qui l’accompagne.

Elle a su être créative, le slogan « 100 % pure » étant pertinent. Elle a répondu au bon moment à une demande pour l’écotourisme. Elle a su saisir des opportunités, le cinéma. Le positionnement intégrait ses deux secteurs clés : tourisme et agriculture. Elle est restée consistante, laissant l’idée qu’elle était la capitale du tourisme d’aventure faire son chemin dans les esprits. Elle a fait son peuple grandir dans cette culture de « pureté ».

Avons-nous les mêmes chances de réussite ? Le message est clair : « C’est un plaisir », formule de politesse, traduit une attitude de disponibilité, de facilité, de sympathie, mais recoupe aussi un univers de loisirs. On s’éloigne du « sun-sand-sea », pour se tourner vers la terre nourricière, la montagne, l’intérieur du pays, l’humain que symbolise parfaitement le caractère animé du logo, même si le Pieter Both ne parlera pas à grand-monde.

Nous répondons aux attentes du marché mondial, à la recherche d’une immersion, de rencontres spirituelles. Il y a de la crédibilité, puisque nous nous reconnaissons dans les valeurs décrites. Il y a un trait distinctif par rapport aux concurrents : les Seychelles, par exemple, ont les plages mais pas la touche humaine.

C’est une réflexion qui semble plutôt réussie. Il y a la promesse d’une expérience.

Comme « Incredible India » renferme sensualité, spiritualité et ingénierie, comme « South Africa, it’s possible » raconte l’espoir après la haine, comme « Columbia ès passion », flanqué d’un coeur fumant comme le café, dit la chaleur, comme « Malaysia, Truly Asia » tire à elle les valeurs de l’Asie… « C’est un plaisir » promet générosité et bien-être, présent autant dans la qualité de vie à laquelle l’homme d’affaires peut prétendre que dans le tourisme. C’est bien nous.

Mais toute l’oeuvre reste à construire. Un gourou du branding la résume ainsi : « C’est seulement quand un pays apprend vraiment à être ce qu’il est qu’il peut espérer exercer quelque influence sur sa réputation internationale et commencer à en tirer véritablement des bénéfices. »

Apprendre à être ce que nous sommes.

C’est ce que la Nouvelle Zélande, l’Afrique du Sud a su faire. La dernière a confié à son « International Marketing Council» de faire vivre le brand dans tous ses secteurs. D’autres nomment un « Country Brand Manager », dressent un plan d’action.

Car pour être à la hauteur de la promesse, il faudra faire vivre la marque à travers une série d’événements, éduquer la population, dresser des codes pour que la marque transpire dans tous nos contacts avec l’étranger, du marchand de foire au démarcheur d’investissements. Et nous défaire de bien des mauvaises habitudes.

Les marchands ambulants et la congestion routière, ça ne correspond pas à un « pays moderne et raffiné où les choses marchent en bon ordre », tel que nous sommes décrits ; notre tendance à l’à-peu-près, ce n’est pas « ce souci du détail » dont on nous qualifie ; la fonction publique, avec ses lourdeurs, n’est pas toujours un modèle « de flexibilité et d’adaptation ». Le défi est immense.

On y prendra bien du plaisir...

 

Ariane CAVALOT-DE LESTRAC