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Gestionnaire visionnaire ?

21 juin 2009, 14:45

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Surpolitisés, incompétents, versatiles et même corrompus. Ce sont quelques qualificatifs que l’on pourrait utiliser pour décrire des maires et présidents de « DistrictCouncils » qui ont dirigé, ou qui gèrent encore, nos administrations régionales. Le règne de la magouille que nous décrivons en pages 8-9 n’est qu’une des conséquences de la déliquescence de nos administrations régionales.Toutefois, dans un océan de médiocrité,quelques ilôts d’espoir émergent. A bien des égards, en mélangeant les qualités des dirigeants actuels de Port-Louis, de Vacoas–Phoenix et de Curepipe, on obtiendrait un maire visionnaire d’une grande efficacité. En effet, dans le trio Mahen Gondeea, Tangavel Thodda et Michael Sik Yuen se retrouvent les qualités – proximité, pragmatisme et vision – que tout bon administrateur se doit de posséder.

Les élus locaux incarnent la politique de proximité. Pourtant, les députés et conseillers qui  ravissent la hiérarchie des responsabilités s’éloignent en même temps des préoccupations quotidiennes de leurs mandants. Mais ce qui est excusable chez un député nommé ministre devient impardonnable chez un conseiller promu maire ou président de district. Tangavel Thodda a bien saisi le besoin des administrés de se sentir « écoutés » par leur mairie. Il a ainsi ouvert une « hotline SMS » sur laquelle les citoyens de sa ville peuvent lui envoyer leurs doléances.

Combien de nos administrations régionales ont compris la nécessité d’informer et d’écouter les citoyens? Peut-on appeler une « hotline » pour connaître les tarifs d’un permis d’opération, les procédures à suivre pour construire sa maison ou pour signaler l’absence des éboueurs durant une semaine entière ? On peut obtenir ces informations… mais bien souvent qu’après trois transferts d’appels, des minutes d’attente… si on est chanceux !

L’élu local se doit d’être proche des préoccupations de ses électeurs. Mais il ne doit jamais perdre de vue l’intérêt général de toute son agglomération. Les revendications démagogiques des minorités criardes attirent l’attention. Mais ces demandes ne sont que rarement raisonnables. Port-Louis est un bon exemple de la démission chronique de la mairie devant des groupes qui prennent la capitale en otage.

Un maire a ainsi pu expliquer qu’une décision de justice concernant les marchands ambulants ne devait pas nécessairement être appliquée ! Mahen Gondeea semble avoir compris la nécessité de ne pas fuir ses responsabilités. Faire plaisir aux marchands ambulants en les laissant squatter où ils veulent, cela peut aider à conserver quelques centaines de votes aux prochaines élections. Mais cela peut avoir comme effet d’encombrer dangereusement plusieurs axes de la capitale. Et de nourrir le sentiment d’impunité régnant chez certains. Michael Sik Yuen, à Curepipe, a fait preuve du même pragmatisme en ne se laissant pas intimider par les énervés de la « Voice of Hindu ». Qui défendaient des intérêts particuliers.

La proximité et le pragmatisme ne sont toutefois pas des qualités suffisantes chez un dirigeant d’administration locale. Par leur exigüité, ces administrations sont les terrains propices pour expérimenter des projets visionnaires. Nous rangeons dans cette catégorie l’initiative de Sik Yuen visant à généraliser le tri des déchets dans sa ville. Curepipe pourrait demain être un laboratoire d’apprentissage. Observer les succès et les ratés de ce projet pourra permettre au gouvernement de mettre en place une politique nationale efficace de tri. Qui a dit que les collectivités doivent tout apprendre du gouvernement central ? L’inverse est possible. Si les dirigeants régionaux font preuve de vision.

Malheureusement, la bonne volonté des hommes de qualité butera encore longtemps contre le système politique actuel. L’accession au fauteuil de maire et de président de « District Council » se faisant sur une base partisane et de copinage, des maires   et présidents compétents s’exposeront toujours à être virés. Malgré leur excellent bilan. Tout simplement parce qu’il sera venu le temps de récompenser tel ou tel affidé. Ou punir un maire dont le chef de parti aura eu le malheur de froisser les dirigeants politiques du pays. Ou refusé quelques faveyrs à des camarades de partis.

Parallèlement, d’autres seront condamnés à faillir, car les responsabilités qui leur incombent sont trop vastes. Le conseil de district de  Pamplemousses– Rivière-du-Rempart regroupe trois des plus grands villages du pays : Triolet,Goodlands et Rivière-du-Rempart. Il administre un portefeuille d’intérêts couvrant des dizaines d’hôtels, d’usines textiles et d’entreprises agroalimentaires. Or, sa structure administrative est à peine plus étoffée que celle d’une mairie !

Les institutions régionales n’afficheront de bons résultats que si des personnes compétentes et visionnaires sont placées à leur tête. Et si ces
mêmes personnes disposent de structures administratives remises au goût du jour. Dans les deux cas, c’est au gouvernement d’agir…

 

Rabin BHUJUN