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(Gué)Guerre de religion

30 janvier 2011, 04:49

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Quel paradoxe. Au 4 e siècle, des savants ont dit qu’elle « relie » l’homme à l’homme ainsi qu’à Dieu. Au 20 e siècle, elle a été dénoncée comme étant « l’opium du peuple » . Et voilà que depuis la semaine dernière, la religion loin de « relier » divise davantage les Mauriciens. En cause : une classe de « Bible Knowledge » que le collège du St- Esprit ( CES) veut supposément imposer à ses jeunes élèves. Une décision assimilable à du prosélytisme selon des parents inquiets de découvrir des velléités de conversion chez leur progéniture.

Nous voilà donc repartis pour une énième guéguerre de religion dans le pays… Une partie de la composante majoritaire de la population est comme gagnée par une certaine fébrilité depuis ces dernières années. Après le malaise créole des années 90, va- t- on devoir gloser au sujet d’un hypothétique malaise hindou ? Car il y a comme une accumulation de faits troublants… A la moindre manifestation d’églises évangélistes ou d’autres mouvements néo- religieux, certaines associations hindoues sont gagnées par un brusque accès d’intolérance et de violence. Menaces verbales, agressions physiques et vandalisme fi gurent ainsi parmi les « modes de communication » habituels de certaines de ces associations.

La menace est perçue comme étant tellement critique que des mouvements religieux ont appelé le législateur à la rescousse. Réclamant la protection d’une loi anti- conversion pour leurs coreligionnaires. Dont la culture est prétendument menacée par le prosélytisme acharné des nouvelles églises.

Cette demande a été rejetée illico par le pouvoir politique qui en a relevé le caractère inconstitutionnel. Incapable de se prévaloir d’une loi ou d’un quelconque soutien étatique pour pourfendre le collège du St- Esprit, l’organisation hindoue Kranti brandit désormais la menace d’une « action drastique » . En apparence, la crise semble partie pour durer… Certaines voix d’apaisement se font toutefois entendre.

La plus étonnante d’entre toutes est celle de Krit Manohur.

Le président du groupe radical « Voice of Hindu » opère ainsi une « distinction entre religion et éducation » dans « Le Mauricien » de ce mercredi. Il estime ainsi que la matière « Bible Knowledge » concerne la « connaissance générale » et conseille aux parents de ne pas se laisser infl uencer par un faux débat sur la question. Pourtant, débat il y a. Issa Asgarally, cofondateur de la Fondation pour l’Interculturel et la Paix, juge ainsi que l’enseignement obligatoire de la matière « Bible Knowledge » porte « atteinte à la liberté de conviction de l’individu » . ( voir pages 50- 51 ) Pour une fois, nous sommes d’accord avec Manohur et Asgarally en même temps. Nous pensons que les collèges, publics et privés, confessionnels ou laïcs doivent tous enseigner la religion ! Toutefois, il s’agit d’un enseignement précis : soit trois années d’études comparatives consacrées essentiellement aux grandes religions présentes à Maurice : islam, bouddhisme, catholicisme et hindouisme. Car un constat s’impose… Planter un sapin au milieu de son salon le 22 décembre n’a jamais permis à quiconque de comprendre la philosophie chrétienne. On ne peut pas non plus manger avec délectation le « sewaï » offert par une collègue de bureau musulmane et espérer avoir compris la symbolique de la fête Eid. De nombreux Mauriciens n’ont ainsi appris à connaître la religion des autres qu’à travers une vision folklorique. Bâtie essentiellement autour des grandes célébrations religieuses que sont Divali, Maha Shivaratree, la fête du Printemps, Eid, Noël ou Pâques. Il est temps que l’on passe à une autre dimension d’échange et de compréhension dans une société portée à accorder une importance démesurée à l’identité ethnique et religieuse de chaque individu.

Tout en continuant à véhiculer les mêmes clichés autour de ces identités.

Les adolescents sont naturellement portés à questionner les modèles établis. On peut penser qu’à 11 ou 14 ans, ils seront donc d’autant plus réceptifs à d’autres idées que celles défendues par papa- maman à la maison.

Nous pensons justement que les collèges – à travers l’enseignement des religions comparatives - ont un rôle prépondérant à jouer pour casser les clichés au sein des familles sur les « malbars » , « lascars » , « créoles » , ou « sinois » . Près de 2 000 ans après, les religions peuvent encore nous « relier » .

Rabin BHUJUN