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Inconscience citoyenne
De 3 000 à 200. En une semaine, Harish Boodhoo aura attiré 2 800 personnes de moins lors de son meeting de mobilisation en face du quartier général de la MBC, vendredi ( voir page 9). Pourquoi une telle contre- performance ? N’en déplaise à Boodhoo, son mouvement s’essouffl e.
Parti pour ébranler la maison soleil, l’ancien allié de sir Anerood Jugnauth a laissé plus d’un spectateur sur sa faim depuis la semaine dernière. Devant le Sun Trust , il s’était contenté de faire du Boodhoo. En versant allègrement dans les invectives personnelles, les insinuations douteuses, pour fi nir par dénoncer des faits que la presse se fait un devoir de relater depuis début 2011.
De quoi échauder un auditoire alléché par la promesse de « révélations explosives » au sujet des puissants du jour.
Certes, l’isolement du lieu choisi pour sa manifestation de vendredi explique, en partie, la faible affl uence. En effet, la grande majorité des Mauriciens ne sait sans doute pas comment se rendre au nouveau quartier général de la radio- télévision nationale. Toutefois, au- delà de Boodhoo et des causes nobles ou des vengeances personnelles qui le motivent, la maigre assistance de vendredi trahit un phénomène plus inquiétant : le piteux état de notre conscience citoyenne. Il y a des explications plus globales – quasi structurelles – à cela. Les courroies de transmission de la grogne, voire de la révolte, sont en panne.
Ainsi, la plupart d’entre nous n’accordent que peu de crédit aux syndicats. Ils sont jugés incapables de s’entendre entre eux… même quand il s’agit de défendre les grandes causes. Ils passent également pour être carrément marginalisés par l’Etat. Qui ne semble pas vouloir les considérer comme les partenaires incontournables du dialogue social dans le pays.
Si les syndicalistes sont décrédibilisés, les Boodhoo, à force d’entretenir des inimitiés à géométrie variable, n’inspirent plus confi ance. L’opposition, qui jure n’entretenir aucun rêve d’alliance avec Navin Ramgoolam, est quant, à elle, jugée avec tout autant de méfi ance. Vers qui se tourne donc le citoyen révolté, le Mauricien en colère ? Il compte sur lui- même et « so bann » . L’action revendicative, l’acte citoyen deviennent individualistes ou communautaires. Depuis neuf ans, un nouveau phénomène est apparu. La menace : « Mo pou al met sa radio. » Plus d’un fonctionnaire ou responsable de service- client dans le privé a eu des sueurs froides en entendant son interlocuteur proférer cette mise en garde.
Les émissions comme Enquête en direct ou Explik ou ka ont été transformées en machines à trouver des solutions. Or, ces dernières sont purement individuelles.
Si un fauteuil roulant est trouvé dans l’heure pour une personne handicapée grâce à l’émission de Radio One , cela ne veut nullement dire que les prochaines demandes – non « radio- assistées » – de ce type seront traitées avec la même célérité par l’administration concernée. Mais peu importe. Pour la personne lésée, si son cas est résolu, le problème de fond n’existe plus. C’est la même logique qui anime les nombreux grévistes de la faim qui ont manifesté pour des causes diverses et variées – surendettement, licenciement, expropriation – ces dernières années.
Si des anciens employés d’ Infi nity protestent pour obtenir leurs salaires, il nous reste encore à assister à un rassemblement unitaire de centaines d’employés du BPO pour réclamer une législation appropriée pour ce secteur. Si les exilés de Riche- Terre ont entamé une grève de la faim, nous n’avons pas jusqu’ici connu de grèves d’agriculteurs locaux réclamant plus de terres afi• de promouvoir l’autosuffi sance alimentaire du pays.
Si des emprunteurs désabusés ont dénoncé à cor et à cri des mafi as organisées, personne n’a encore initié une série de manifestations afi• d’amener les Mauriciens à consommer de manière responsable ou à identifi er les comportements pouvant faire basculer une famille dans le surendettement.
Le 20 janvier 1961, John Kennedy prononça un discours dont l’une des phrases raisonne toujours avec la même justesse. « Ask not what your country can do for you.
Ask what you can do for your country » , avait- il demandé à ses concitoyens. Cinquante ans plus tard, nous gagnerions à y réfl échir. Les « 50 de Fukushima » , au Japon, semblent l’avoir déjà fait depuis vendredi dernier...
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