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Indivisible identité
De toute évidence, l’idée est une trouvaille de publicitaire. Mais quid du commanditaire qui a bien dû valider cette campagne ? Quid du ministère responsable ? N’y eut-il personne pour faire valoir que l’identité nationale, celle qu’exprime et garantit la carte de même nom, doit pouvoir être revendiquée pour tous, unique comme la Constitution, le drapeau, la justice. N’aurait-il pas été souhaitable, au moment où les pouvoirs publics sensibilisent les Mauriciens à l’adoption prochaine d’une nouvelle carte d’identité, qu’on se dispense de jouer sur l’autre facette du mot identité ? Celle qui permet, légitimement, il faut en convenir, l’expression d’une variétés de profils ethno-culturels.
Visuellement, esthétiquement, c’est une belle campagne, de même qu’est d’usage fort convivial le site web (www.mnic.mu) conçu pour présenter la carte à puce et répondre aux diverses questions que se posent déjà ses futurs détenteurs. L’affaire est entendue : les mannequins sont tous souriants et sympathiques, les photos sont le résultat de shootings soignés, les plus jeunes mannequins donnent vraiment l’image d’une société détendue, moderne. Même la citoyenne plus âgée suggère davantage une connivence avec son temps qu’une nostalgie du passé. Pourquoi, alors, ceux qui sont capables de rechercher - et d’exprimer - ce modernisme de marketing ne sont-ils pas capables de saisir le véritable enjeu de modernité qu’est une citoyenneté - et au passage une identité - se situant au-delà de l’ethnicité ?
Que nos histoires familiales et personnelles fassent de nous des héritiers d’une variété d’identités est certainement une richesse qu’il nous faut savoir valoriser. Tant dans les expressions les plus authentiques du patrimoine ancestral qu’à travers les fusions et les métissages les plus audacieux et créatifs. Va pour une multitude de profils, va pour cette capacité, que l’on constate de plus en plus aujourd’hui, de passer d’un profil à l’autre, voire de jouer simultanément de l’un et de l’autre. Nous n’avons rien à gagner d’être enfermés dans un seul registre d’expression de nous-mêmes. Mais à côté de cette pluralité légitime, de la société, voire, de plus en plus, des individus, à côté de cela, l’identité nationale, la citoyenneté, la culture de l’intégrité, le sens du droit et de l’égalité ne peuvent être tributaires d’une quelconque différenciation.
La nation ne peut être une construction ethnique ou religieuse, une sorte de cible à fléchettes, avec un centre où les droits seraient abondants, réservé aux privilégiés du modèle politique. Puis, à mesure qu’on s’éloigne du centre et qu’on s’approche de la périphérie, on atteint des zones de droit restreint, voir de non droit. Nos responsables politiques nous diront que cette représentation est une vue de l’esprit, qu’elle n’existe pas. Or, c’est bien pour cela que la Equal Opportunities Commission voudrait entendre un ministre. Et quand l’identité nationale, cette riche notion citoyenne, est fractionnée à la simple mesure de codes vestimentaires, on y arrive aussi.
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