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Informer, ce siècle-ci

28 avril 2013, 12:15

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Ce week-end, l’île Maurice se souvient de l’apparition, voici cinquante ans, d’un nouveau titre de presse, projet destiné à engager le lecteur à une citoyenneté responsable, un journal qui finit par inventer un nouveau journalisme.

 

 

En ces moments de mémoire, il n’est point paradoxal de se poser quelques questions quant à l’avenir de l’information indépendante et des métiers qu’elle requiert. Alors que des acteurs de l’aventure et également des milliers de lecteurs anonymes se souviennent, avec émotion et nostalgie, des idées neuves associées à la parution, voici un demisiècle, de L’EXPRESS, aujourd’hui, de nouvelles questions, de nouvelles idées, conditionnent l’air du temps.

 


Le Media Lawyer Geoffrey Robertson souhaite que la publication, récente, de son rapport préliminaire soit « followed by a period of discussion and debate over its proposals, amongst the media, lawyers and judges, MPs, civil society and members of the public. » On se souviendra de l’initiative citoyenne, en 1984, engagée par les responsables de presse d’alors, avec l’encouragement actif de feu sir Maurice Rault, ancien chef juge, pour alerter les Mauriciens, à travers des rencontres de proximité, des dangers du Newspapers & Periodicals (Amendment) Bill. Au cours de la semaine écoulée, c’est à travers Facebook que l’universitaire Christina Chan Meetoo a fait parvenir à ses destinataires la proposition de Gender Code of Ethics for the Media, document faisant suite à un atelier de travail soutenu par l’Unesco.

 


Au cours des trente dernières années, nous sommes passés des moyens de communication sociale aux médias, puis en parallèle à la correspondance rapide, finalement aux réseaux sociaux actuels. Un débat, aujourd’hui, peut être mené plus longtemps, et engagé plus en profondeur, cela à moindre frais, grâce à nos outils numériques. Et les journaux de ce siècle auront sans doute une responsabilité particulière pour l’animation de blogs intelligents, modérés, focused sur le sujet. Ils ont aussi la possibilité d’accueillir des personnalités de divers secteurs de la vie nationale, pour des chats – quel joli mot québécois que clavardage ! – avec leurs lecteurs. Ce qui, ensuite, fournit la matière pour de bons articles dans le produit papier.

 


A Maurice, les métiers de l’information indépendante se sont longtemps pratiqués sous le regard d’un prince prêt à tout moment à accuser les journaux libres d’intentions malveillantes. Les noms de sir Seewoosagur Ramgoolam et de sir Gaëtan Duval resteront indéfiniment associés à la censure policière de la presse. Sir Anerood Jugnauth et ses alliés PMSD et RTM voulurent imposer une caution – soit une sorte de Right to Publish Fee – de Rs 250 000, ce qui, en 1984, aurait tué tous les petits journaux. Paul Bérenger a cru pouvoir faire la leçon aux journalistes et n’a pas caché son irritation face à la liberté de propos des radios privées autorisées par ses propres amis politiques. Navin Ramgoolam se livre à un jeu parfois difficilement déchiffrable. Il fait penser au bipolaire alternant entre le libéral recherchant pour l’ordre général de l’information le cadre le plus propice, et, à l’autre pôle, le répressif prêt à casser du journaliste dès que l’occasion se présente. « Ce qui frappe, c’est qu’à chaque fois qu’il y a rupture de consensus entre le pouvoir et le citoyen, la presse est censurée », écrivait, le 31 décembre 1975, le Dr Forget, directeur d’alors de L’EXPRESS. Formule dont la pertinence n’a pas cessé d’être confirmée depuis, même si la notion de censure s’est déclinée, selon le moment, sous des formes variées.

 

Il reste à retrouver les remèdes efficaces à ces affections. « Ce que le pouvoir craint surtout, c’est la nudité des faits », écrivait aussi Philippe Forget en décembre 75. Plutôt que de les commenter à longueur de colonnes, dénudons-les.