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L’économie, un humanisme

21 octobre 2012, 00:00

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Sommes-nous vraiment en situation de crise économique ? Ou, pour mieux formuler la question, notre actuelle crise est-elle bien économique ? Ne sommesnous pas davantage dans une crise du sens, une crise de valeurs et de la valeur, une crise globale d’identité, de l’ordre symbolique, une crise de civilisation ?

Nous avons pu voir, jeudi soir, sur Canal+, Global gâchis : le scandale mondial du gaspillage alimentaire, documentaire réalisé par Olivier Lemaire et dans lequel l’auteur du best-seller Waste, Tristram Stuart, nous guide d’un reportage à l’autre. Et ainsi nous voyageons, d’un monde à l’autre mais toujours en terre de gaspillage. Au Nord,
chez les riches, ce sont les diktats du marketing, l’obligation de presenter des fruits et légumes à l’apparence idéale qui font rejeter des produits autrement irréprochables. Au Sud, chez les moins riches et les pauvres, ce sont les conditions de collecte, l’hygiène ambiante, la chaleur qui rendent les récoltes très vite impropres à la consommation.

Les producteurs, distributeurs et consommateurs des pays occidentaux jettent de quoi sustenter sept fois le milliard d’hommes et de femmes victimes de la faim. Au total, un tiers de la production mondiale de nourriture
est gâché. Et cela a un coût, payé par le consommateur, un prix du gaspillage qu’il serait possible de référer à l’investissement pour la creation d’emplois, voire, selon la doxa courante, à la croissance, éventuellement à la sortie de crise. Enfin, disons, de la composante économique de notre crise d’être.

A Maurice, le Forum des cadres chrétiens, un mouvement d’église, invite Michel Camdessus, ancient directeur général du Fonds monétaire international, actuellement member du Conseil pontifi cal Justice et Paix, à donner une conférence sur le thème : Dans la crise, que faire pour le développement et la justice ? Pour rester à ce chapitre de l’engagement de croyants en vue d’une sortie de crise qui ne serait pas qu’économiciste, on pourrait, par exemple, s’intéresser au travail de Gaël Giraud. Ce prêtre catholique français, jésuite, docteur en mathématiques appliquées, professeur
d’université en France et au Vietnam et chercheur, dans son pays, au Centre national de la recherche scientifi que, vient de faire paraître un nouveau livre, L’illusion fi nancière. L’humanisme declare de ces hommes serait-il susceptible de les rendre plus crédibles que les perroquets à prédire de Goldman Sachs et du Wall Street Journal ?

Dans une recension, le 9 octobre dernier, du livre de Giraud, l’hebdomadaire La Vie note : «Comment sortir de l’impasse dans laquelle la crise a acculé les Etats gangrénés par la dette et les citoyens sommés de payer la facture ? Y a-t-il une alternative aux politiques d’austérité laissant les peuples exsangues et l’économie déprimée ? []]…] Gaël Giraud propose une analyse critique de la crise et nous offre une voie de sortie, il nous engage à placer la question énergétique et climatique au coeur d’un nouveau projet de société []]…] Il promeut, non pas la décroissance, mais une “autre” croissance, moins énergivore, plus sobre et pourvoyeuse de travail.

Elle recouvre deux chantiers principaux : la rénovation thermique et la mobilité. Gaël Giraud innove en proposant que certains biens comme le travail, la Terre et surtout la liquidité et le crédit, qui sont les deux facettes de la monnaie, soient considérés comme “des biens communs”. Autrement dit qu’ils cessent d’être privatisés par les marchés pour être gérés par la communauté selon des principes de réciprocité et de démocratie ». Cela suffi ra-t-il ? Sans doute pas, mais cela a le mérite de ne pas être une énième fuite en avant. Au moins, ça invite à réfl échir. Plutôt qu’à répéter les propos creux des aides-soignants de marchés malades.

Par Gilbert Ahnee