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Laïcité à la mauricienne

23 mars 2010, 10:37

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Ce qui s’est passé le dimanche 14 mars à Triolet quand une poignée d’individus de l’association socioculturelle Kranti dirigée A.K Gopal a fait irruption de manière violente lors du Gospel Festival du mouvement pentecôtiste réunissant plus de 3 000 personnes, est inacceptable. Tous ceux épris du vivre ensemble mauricien doivent condamner de manière forte ces actes de violence qui auraient pu avoir de très graves conséquences.

Heureusement que les responsables du concert ont fait preuve de sang froid pour éviter tout affrontement.

Les auteurs de ces actes de violence accusent le mouvement pentecôtiste de prosélytisme et parlent de menace pour la communauté hindoue.

L’hindouisme, dont ils se prétendent être les défenseurs, n’a rien à avoir avec l’intolérance et la violence. L’Inde, il faut le savoir, est un modèle de tolérance de la diversité religieuse. Elle a été le « shared home – in the chronology of history – for Hindus, Buddhists, Jains, Jews, Christians, Muslims, Parsees, Sikhs, Baha’is and others. The Vedas, which date back at least to the middle of the second millennium BCE, paved the way to what is now called Hinduism », rappelle Amartya Sen dans « The Argumentative Indian ».

« For he who does reverence to his own sect while disparaging the sects of other wholly from attachment to his own sect, in reality inflicts, by such conduct, the severest injury on his own sect. » Cette réflexion d’Ashoka, l’empereur bouddhiste de l’Inde trois siècles avant Jésus Christ, est toujours d’une brûlante actualité. La violence n’a jamais permis de lutter contre la conversion.

La conversion d’une religion à une autre soulève deux dynamiques qui se renforcent. Il y a la crise que traversent les religions traditionnelles et leurs institutions auprès de leurs adeptes couplée de l’attrait des nouvelles religions, dont les messages, les méthodes et le fonctionnement sont, il faut le dire, trop souvent problématiques. La guerre de religions renvoie à un problème de fond : le vide laissé dans un monde qui a perdu le sens de la vie et de l’existence. Il y a un vrai problème de souffrance humaine qui doit nous interpeller tous.

La recherche des solutions à ces problèmes touchant la place de la religion dans le fonctionnement de la société relève de la politique. La responsabilité du politique se situe à trois niveaux : d’abord il tolère « les mélanges de genres » – comme l’a dénoncé avec pertinence et sans concession Rabin Bhujun la semaine dernière – par opportunisme ethno-électoral. Ensuite, il contribue, de par ses agissements et pratiques nourrissant un spectacle affligeant, à amplifier la crise du sens et de l’existence de l’homme. Enfin, il abdique devant la nécessite d’engager le débat pour l’avènement d’un Etat séculier.

En marge des prochaines législatives, la société civile doit « take the lead ». Avec comme point de départ deux modèles et approches – ceux de l’Inde et de la France – qui se concentrent respectivement sur la neutralité entre les différentes religions et l’interdiction des associations religieuses dans les activités de l’Etat. Notre vivre ensemble passe par la recherche d’une laïcité à la mauricienne.

 

Malenn Oodhia