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La malédiction des ressources

19 janvier 2014, 05:53

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La malédiction des ressources

 

La comparaison est flagrante : sur le plan des ressources naturelles Madagascar est immensément plus riche que Maurice (petit rocher jadis condamné par des prix Nobel comme Meade et Naipaul). Pourtant, plus de quatre décennies après les indépendances, les Malgaches ont connu un développement économique et une sécurité humaine largement inférieurs aux Mauriciens. La récente élection d’un nouveau président malgache est censée mettre un terme à une crise politique qui y dure depuis 2009, mais la crise humanitaire, elle, n’est pas prête de prendre fin. La rivalité naissante et le partage du pouvoir entre l’élu Hery Rajaonarimampianina et son ancien chef, Andry Rajoelina, pourraient faire craindre le pire, déjà...

 

Madagascar, hélas, n’est pas une exception, mais une règle, surtout en Afrique continentale : les pays riches en ressources (maritimes, agraires, minières, pétrolières, humaines, etc.) sont ceux qui sont les plus instables et forcément les plus durablement touchés par les crises latentes et les conflits ouverts. En science politique, on utilise le terme ‘resource curse’ pour expliquer cette fatalité. Et comme ces pays comme Madagascar n’arrivent pas à poursuivre une stratégie de croissance soutenue qui bénéficierait au plus grand nombre, ils ne peuvent que reculer au gré des élections qui divisent encore et encore la population. Le dysfonctionnement politique, propulsé par la corruption, devient la norme et il ne peut alors qu’exacerber les problèmes socioéconomiques, surtout lorsqu’une nouvelle équipe dirigeante essaie de reprendre le contrôle sur les ressources du pays.

 

C’est certainement le cas au Soudan du Sud, le plus jeune Etat du monde, où de violents combats ont éclaté entre les partisans du président Salva Kiir et ceux de son ancien président Riek Machar, justement à cause du contrôle du pouvoir, du pétrole, des contrats mirobolants des multinationales, sans parler de la corruption y relative et de l’absence de l’Etat de droit. Cette crise intérieure, à laquelle le monde assiste avec impuissance, est rapidement devenue une crise humanitaire de grande envergure, qui risque d’embraser la sous-région. Il y a déjà plus de 200 000 déplacés vers l’Ethiopie et les organisations humanitaires ont un accès difficile aux populations, livrées à elles-mêmes, dans la plus grande insécurité qui soit.

 

Au Forum de Davos, il y a à peine quelques jours, les pays riches ont épluché un rapport qui souligne que l’aggravation des inégalités est devenue aujourd’hui le principal risque que court le monde : «Le fossé persistant entre les revenus des citoyens les plus riches et ceux des plus pauvres est considéré comme le risque susceptible de provoquer les dégâts les plus graves dans le monde au cours de la prochaine décennie.» Dans la hiérarchie des risques, l’inégalité des salaires devance les événements météorologiques extrêmes, le chômage, le changement climatique et les cyber attaques…

 

Le challenge de chaque pays demeure donc de trouver le système qui permettra de tendre vers un développement intégral et intégré, bref un Etat fort, capable d’être un arbitre sévère, tout en restant transparent et démocratique. Le libéralisme n’est peutêtre pas le meilleur système, mais pour l’instant le seul possible, le seul capable de faire participer les hommes au progrès. Et seul le progrès de tous peut garantir la stabilité…