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La réforme à petits pas

17 juin 2012, 08:00

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Maurice fait sans doute partie de la longue liste de pays dits « irréformables ». Ses pesanteurssociales, économiques et ethniques suffi sent en effet à faire rebrousser chemin aux plus téméraires des gouvernements et aux fonctionnaires les plus zélés. Mais de temps à autre, quelque chose se passe. Un petit pas est franchi. C’est ce qu’il s’est passé cette semaine. Ce pas nous rappelle que l’espoir est permis. Que des hommes et femmes qui nous dirigent arrivent parfois à assumer leurs responsabilités.


Cela a été le cas lors du vote de l’amendement au Code pénal, ce mardi. Cinquante députés ont décidé ce jour-là d’offrir le choix aux femmes (lire page 22). Ce vote démontre sans équivoque deux choses. D’abord que le gouvernement et l’opposition peuvent, de manière raisonnée, faire cause commune pour intervenir sur un sujet ayant de graves répercussions sociales. Ensuite, que le lobby religieux, bien que puissant, n’obtient pas invariablement gain de cause auprès de nos hommes politiques.


Il serait toutefois illusoire de croire que cet amendement solutionnera le problème des milliers d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) clandestines, pratiquées chaque année dans le pays. Si l’amendement offre le choix aux femmes, son champ d’application reste toutefois très limité. Beaucoup l’ont rappelé, le texte ne couvre qu’une infime minorité des cas composant un problème de santé publique beaucoup plus vaste.


Des femmes avortées à l’aide de baleines de parapluie continueront donc à se rendre en urgence dans nos hôpitaux. Certaines d’entre elles mourront. Xavier Duval, le ministre des Finances, a donc raison de regretter que l’on ne soit pas allé plus loin. Nous le regrettons avec lui. Mais nous pouvons aussi choisir d’espérer. Il a fallu attendre presque 175 ans pour qu’une loi autorise l’IVG sous conditions. On peut donc penser que le prochain pas visant à accorder le choix réel aux femmes ne se fera pas dans deux siècles !

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Pas 200 ans, mais moins de six mois. Depuis fin février, on n’entend plus parler du projet présenté comme un grand pas en avant pour notre démocratie : la réforme électorale. Pourtant la proposition Sithanen existe, elle a même fait l’objet d’âpres discussions entre le gouvernement et l’opposition. Le Premier ministre a également soumis le document de Sithanen à l’épreuve de la lecture critique de constitutionnalistes étrangers. Depuis, Navin Ramgoolamet Paul Bérenger se sont adonnés à un jeu de dupes. Qui consiste à donner l’impression qu’aucun d’eux ne cède sur certains aspects de la réforme. Notamment le sort réservé au Best Loser System actuel. Pourtant les deux hommes croient en la nécessité de la réforme.

Raison politique oblige, Bérenger et Ramgoolam ont jusqu’ici choisi de ne pas faire cause commune sur la question. Par exemple, en s’opposant frontalement à certaines forces conservatrices, qui se sont récemment illustrées à traversleur farouche opposition – tirant parfois sur la violence à l’amendement au Code pénal. On se retrouve donc dans l’étonnante situation où les deux principaux leaders politiques du pays démontrent publiquement cette semaine qu’ils savent mettre de côté leurs divergences pour régler une question de santé publique. Tout en refusant obstinément, par ailleurs, de faire la même chose afin d’assainir notre « santé démocratique ».

« Le plus grand voyage commence toujours par un premier pas », dit l’adage. Bérenger en contemple peut-être un grand en ce moment même au chapitre de la réforme. Le remake de 2000 existe depuis avril. Mais en homme pressé, Bérenger semble déjà vouloir dresser un premier bilan de l’impact du tandem SAJ-Paul. C’était probablement l’un des sujets de discussion lors de son déjeuner en tête à tête, ce jeudi à Ebène, avec une personne tout aussi proche de SAJ que de lui.

Les meilleurs stratèges ont toujours au moins une solution de substitution. Même si l’homme régulièrement commet des erreurs dans son empressement, Bérenger en demeure néanmoins un. Deux mois et demi après la démission de SAJ de la présidence de la République, la reprise de « négociations autour de la réforme électorale » semble sonner comme une solution idéale pour constituer un filet de sécurité pour le MMM. Peu importe si ce sont des considérations politiciennes qui ramènent Bérenger à la table des négociations. Tant que cela fait avancer notre démocratie, ce sera toujours un autre petit pas de fait…