Publicité
La violence : une question de genre(s)
Par
Partager cet article
La violence : une question de genre(s)
La dernière couverture de «5-Plus dimanche» reste gravée dans les esprits. C’est une image qui perturbe : celle de cette épouse (encore une autre !) qui s’est fait tabasser par son conjoint devant les yeux impuissants de sa gamine de trois ans. C’est inhumain l’expérience vécue par cette mère de famille irlandaise, venue sans doute vivre l’amour, et peut-être célébrer la paix, à Maurice. Elle n’est ni la première et sera encore moins la dernière femme à subir de plein fouet cette violence conjugale, qu’on taisait jadis, et qu’on évoque de plus en plus de nos jours, après des décennies, voire des siècles de mobilisation pour la reconnaissance des droits de la femme. Le courage de Jacqueline Appadu, 43 ans, de venir exposer son visage et son corps tuméfiés en Une dépasse le cadre de sa personne et de sa vie privée, ou celui d’un simple fait-divers.
Dans cette triste affaire de violence conjugale, contrairement à ce qu’avancent de nombreux internautes sur les réseaux sociaux, ce n’est nullement un problème de cultures entre nationalités différentes. Rien ne change qu’elle est de l’hémisphère Nord et lui du Sud. A vrai dire, il y a des brutes et des victimes partout. Pathétique, ou anecdotique, que certains internautes relèvent par ailleurs que Jacqueline vient du même pays que Michaela Harte. «Criminal Appeal Amendment Act» ou pas, convention internationale ou pas, il ne suffit que d’un salaud quelque part pour alimenter le flot de commentaires de tous ceux qui font de la généralisation leur cri de cœur.
Hier, à Camp-Levieux, une quinquagénaire a eu moins de chance que Jacqueline. On l’a retrouvée étranglée avec un câble électrique dans son appartement. Davantage que les statistiques que nous envoient les ONG et agences internationales spécialisées, toutes ces actualités macabres que relaie la presse interpellent les citoyens et relancent l’importance d’un vrai débat sur la violence des individus (hommes ou femmes) contre les femmes. Il convient de parler d’individus car si les auteurs des agressions sont majoritairement, mais pas exclusivement, masculins – dans le Nord une femme a commandité le meurtre de son époux, alors que dans les Plaines-Wilhems, une autre fait partie d’un violent gang de kidnappeurs – en revanche la vulnérabilité des femmes, tout comme celle des enfants, face aux brutes de ce monde n’est plus à démontrer.
Autour du monde, les chiffres font frémir. Une femme sur trois est ou a été, durant sa vie, battue, violentée, violée par quelqu’un du sexe opposé de son entourage, la plupart du temps par son propre mari ou partenaire intime. On estime aussi qu’une femme sur cinq sera victime de viol ou de tentative de viol où qu’elle soit sur le globe. Si, en Colombie, une femme est tuée par son compagnon (ou ex-compagnon) tous les six jours, en revanche, force est de constater que les victimes proviennent de toutes les classes sociales, cultures, régions. En Afrique, la violence sexuelle est une arme de guerre : rien qu’au Rwanda un demi-million de femmes, selon certaines sources, ont été violées au cours du génocide, alors qu’au Malawi, la moitié des écolières auraient subi un harcèlement sexuel à l’école de la part des adultes censés les encadrer. Plusieurs études démontrent clairement le lien entre la prévalence de la violence sur les femmes et celle du VIH/Sida, en d’autres mots un rapport sexuel non désiré provoque une transmission plus facile du virus.
Outre le fait de braquer les projecteurs sur la violence basée sur les genres, l’atelier de la COI, qui s’ouvre lundi, devrait focaliser sur l’absence de collecte de données ou carrément le manque de données statistiques fiables pour la zone océan Indien. Sans ces données, il est impossible de développer des normes et standards internationaux ou de dégager des stratégies d’assistance durable. Et nos grands-mères, mamans, sœurs, voisines, enfants vont vivre dans la peur et la honte, alors que les brutes resteront impunis…
Publicité
Les plus récents