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L’âme du mauricien
«Après avoir été abandonnés par la CNT, les assureurs et autres, vous nous avez réchauffé le coeur en nous prouvant que quelque part, il y a des gens qui pensent toujours à nous et aux familles qui ont perdu les leurs. Cette seule pensée apporte beaucoup de bien aux personnes affligées. Mes remerciements vont au groupe La Sentinelle (...) Merci de m’avoir permis de saluer la mémoire du chauffeur-héros de l’accident de Sorèze, feu Deepchand Gunness.»
Ces mots sont extraits d’un courriel reçu jeudi, alors que nous sommes en déplacement, au fond de La Creuse (France), où il fait 1°C, sur un sol trempé, partiellement recouvert de neige. Ils sont signés Ashok Dhurbarrylall, l’un des rescapés du grave accident de Sorèze, qui a causé dix morts et plus d’une quarantaine de blessés et qui a fait la Une de notre magazine de fin d’année, paru lundi dernier.
Les mots d’Ashok Dhurbarrylall (son discours intégral est sur lexpress.mu), l’émotion qu’on lisait sur le visage des proches éplorés du chauffeur et d’autres victimes, les étreintes entre le receveur Ram Bundhoo et bien des rescapés, le sourire d’une mère (Adila Emamboccus) face à celui quia sauvé la vie de son bébé, le rescapé Sanjay Ramdhayan, lors de notre cérémonie-hommage du 7 décembre à La Sentinelle, ainsi que l’accueilréservé à notre «Best Of» 2013 – qui a consacré MM. Gunness, Bundhoo et Ramdayan commenos Mauriciens de l’année – ne peuvent que nous conforter dans la pratique du métier que nous faisons.
L’accident de Sorèze est un cas complexe, comprenant des volets multiples aux issues incertaines. On en a longuement discuté au sein de notre groupe. Il souligne surtout, pour nous, un problème d’éthique, l’éthique de l’État – celui d’un gouvernement élu mais qui a abandonné (volontairement ou pas) à leur sort des Mauriciens qui n’ont pas de pouvoir de négociation avec ceux qui tiennent les rênes dispersées du pouvoir. La politique, telle qu’elle se pratique dans notre système dit démocratique, dicte tout ou rien. Les autorités comme la police, le judiciaire, les différents ministères (des Infrastructures publiques à la Sécurité sociale), les organismes parapublics, sont peut-être richement outillées sur le plan des concepts et des procédures pour assurer une partie du suivi post-Sorèze, mais elles s’avèrent infiniment plus pauvres pour traiter de l’âme (ou plus particulièrement de la détresse) humaine, pour accorder ne serait-ce qu’une écoute. Ce travail de regroupement et recoupements est l’une des oeuvres possibles du journalisme qui, par choix éditorial, a choisi de se ranger du côté des sans voix afin de défendre le bien commun, celui d’un pays qui veut vivre en paix avec lui-même, en mettant l’intérêt général avant celui des autres.
De même, nous entendons continuer, en 2014, à souligner l’éthique et les tics de nos dirigeants politiques, du pouvoir en place comme des oppositions, nous ne manquerons pas de mettre en scène les différents aspects du Mauricien, en essayant de pénétrer dans l’âme de nos lecteurs (avec qui nous maintiendrons le dialogue) pour décrire leurs tourments, tout en les immergeant dans leurs contextes historique, socioéconomique et politique. Ce faisant, nous étudierons de près l’état de notre démocratie et le besoin de la réinventer afin de freiner les balkanisations en cours depuis trop longtemps déjà…
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