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Le Diego de Bancoult
Les «îlois», exilés de leurs terres, sont arrivés ici, par vagues successives, sur des bateaux, le «Nordvaer», et le «Mauritius». C’est le début de l’affaire Diego. Depuis, ce sont les Mauriciens que l’on mène en bateau. Ces jours-ci encore.
L’Anglo-Mauricien, Olivier Bancoult, vient de recevoir un nouveau soutien public du Premier ministre dans son combat contre les autorités britanniques. Le discours tenu à l’occasion veut inciter les Mauriciens à penser que c’est là une manière de réaffi rmer notre revendication de souveraineté sur l’archipel des Chagos. C’est faux, c’est dangereux ; il convient de lever l’ambiguïté.
De par la Constitution de Maurice, au moment de l’Indépendance en 1968, la citoyenneté mauricienne fut accordée à tous ceux nés dans le pays, incluant ceux nés dans le «British Indian Ocean Territory» (BIOT), qui avait fait partie du territoire mauricien jusqu’en 1965. C’est ainsi que des habitants des Chagos, nés dans l’archipel, et dont presque le tiers était alors de la deuxième ou troisième génération d’«îlois», ont obtenu la double
nationalité mauricienne et britannique.
Le combat que mène Bancoult – et que dit soutenir Ramgoolam – ne concerne en rien la question de la souveraineté mauricienne. Il est le combat d’un sujet de Sa Majesté qui conteste la moralité et la légalité de l’exil forcé des Chagossiens rendu possible par une «Immigration Ordinance» du BIOT.
Depuis de nombreuses années, c’est en tant que sujets britanniques que les Vencatessen, les Bancoult et d’autres «îlois» qui se considèrent comme des «réfugiés» à Maurice, se battent devant les Cours de justice de la Grande-Bretagne pour obtenir le droit de retour dans leur pays natal. A un moment, ils avaient même obtenu techniquement ce droit, du moins dans une partie des îles de l’archipel.
Sur le plan strictement humanitaire, le gouvernement mauricien peut sans doute justifi er un soutien à cette cause. Mais il ne faut pas masquer le fait que les succès de Bancoult devant la justice britannique n’aident en rien les revendications souverainistes de Maurice.
Encore que des informations aujourd’hui disponibles – certaines sont encore plus scandaleuses que les révélations de «WikiLeaks» – démontrent bien des faiblesses de l’argumentaire mauricien. Un premier fait : selon ses propres experts juridiques, la Grande-Bretagne n’aurait jamais pu «exciser», constitutionnellement, les Chagos et déplacer les populations, sans l’accord formel des autorités mauriciennes. Cet accord était jugé «essentiel» par les juristes britanniques. Quand ils acceptent de considérer le projet des Américains, les Britanniques, par la voix du secrétaire d’Etat aux Colonies, reconnaissent que : «Americans have been informed that… we are nevertheless willing in principle to pursue proposed joint development further on the basis that, subject to the agreement of the two Governments, which we regard as essential, we would be prepared to detach from Mauritius and Seychelles…»
Dans cette triste affaire, il y a donc deux responsables: la Grande-Bretagne indéniablement, qui viole, en l’occurrence, tous les grands principes dont elle se dit le dépositaire ; un ministre britannique a déjà reconnu que le déplacement de la population chagossienne ne constitue pas, pour dire le moins, «the finest hour of UK foreign policy». Mais il demeure que les dirigeants politiques mauriciens d’alors ont donné, et bien légèrement, leur soutien aux Britanniques. Ils avaient le choix, leur accord était «essentiel», ils auraient pu avoir refusé «l’excision» et l’exil des Chagossiens sans compromettre aucunement l’avènement de l’Indépendance. Ils peuvent plaider une circonstance atténuante : ils ne le savaient pas, contrairement aux Britanniques qui, eux, avaient fait étudier les textes de loi.
Mais au tribunal de l’histoire, l’ignorance n’est pas un alibi.
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