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Le poids de la parole
L’homélie de Mgr Maurice Piat à l’occasion du jeudi saint résonne comme une défaite mauricienne. «Le communalisme gagne du terrain… Une surpolitisation de la vie socio-économique, académique, artistique, sportive et même religieuse, bloque le dynamisme et l’initiative des citoyens qui ont à cœur le développement humain de notre société», affirme l’évêque de Port-Louis. L’orgueil national en prend un sacré coup. Mais ce n’est pas tout. Mgr Maurice Piat en rajoute une couche encore plus virulente. «Cette surpolitisation entraîne une dévaluation de la politique, qui tourne en rond dans une course stérile au pouvoir, qui perd sa dignité en se laissant aller à des transactions à peine voilées dans un marché aux courtisans qui fait monter les enchères comme dans une vente à l’encan», enchaîne-t-il.
C’était risqué. C’était osé. Depuis un certain temps, nombreux sont ceux qui regrettent une pusillanimité des institutions religieuses et de ses porte-parole. Cette homélie de Mgr Maurice Piat a le mérite de redonner du poids à la parole religieuse. Alors que s’est installée une forme d’incurie au sein de la société mauricienne depuis quelque temps, alors que des initiatives de la société civile butent sur une absence d’adhésion, se met en place une déconfiture de notre imaginaire collectif.
Comment, autrement, expliquer ce blanc-seing qu’on accorde à la classe politique ? Il n’est pas étonnant que nous devenions complices de cette «surpolitisation» de la société. Et que nous ne nous rendons pas compte de la «dévaluation de la politique». C’est sous le soleil noir de la désillusion qu’on s’éveille chaque matin. Chaque soir, avant de nous endormir, nous nous programmons pour un lendemain fait de lieux communs et de désert d’idées.
Mgr Maurice Piat le dit. La religion aussi cherche sa place dans ce monde. Parfois, il lui arrive même de perdre ses repères. En d’autres occasions, elle subit le système. Certains, qui se disent ses glossateurs, l’instrumentalisent et la livrent entre les mains des politiques. Ces derniers, pour leur part, ne ratent pas une occasion pour démontrer leur talent d’exégètes à la place des religieux. Les religions, à Maurice, sont-elles capables de s’amputer de ces bras gangrenés qui les «dévaluent» autant ? Il faut, à ce chapitre, retenir la position de l’Eglise catholique, qui ne fait pas de ses cérémonies religieuses une plate-forme politique. Les hindous et les musulmans devront s’en inspirer. Dans un monde dominé par l’esprit de lucre, à tous les échelons, une sonnette d’alarme a été tirée. Elle vient d’une voix qui fait autorité. Il y a, d’un côté, les mots du pouvoir. De l’autre, il y a le pouvoir des mots provenant d’esprits indépendants et objectifs. Il reste à souhaiter que le «printemps mauricien» réunisse ces voix dans une nouvelle saillie.
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