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Les artistes et l’identité

15 mai 2009, 14:09

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Le passage de Tiken Jah Fakoly dans notre île la semaine dernière nous a permis de découvrir, voire de redécouvrir, un artiste militant dans toute sa splendeur, avec un charisme hors du commun. Une telle sincérité dans ses propos et surtout un message limpide qui se résume à ce que l’Afrique arrête de se diviser et qu’elle se prenne enfin en main.

Mais cette forte personnalité, qu’est Tiken Jah Fakoly, lève le voile sur le fait que notre île manque de personnes avec un charisme tout aussi imposant, capable de rassembler sans aucune touche politique ou communaliste, capable d’unir autour d’un thème unique: nous.

Les icônes de la musique mauricienne contemporaine, bien que distillant parfois des textes puissants, sont loin d’avoir cette force de caractère et ce recul pour susciter cet éveil des consciences, en dehors du contexte musical.

Souvent, des artistes se revendiquent d’un combat pour sortir la jeunesse mauricienne de l’obscurité. Mais le discours est souvent maladroit. La conviction est quasi absente ou apparaît subitement par intermittence. Bref, le message manque de profondeur et de constance. Et malgré toute la bonne volonté qui se dégage de ce mouvement, l’éphémère prend vite l’ascendant…

Au lieu d’inciter à ce que les choses bougent, ils se contentent de pleurer sur ce qu’elles croient être: «enfants du ghetto». Et c’est justement en faisant cela qu’on se ghettoïse davantage… A force de se cacher derrière ces artifices ou phénomènes venant d’autres cultures, la jeunesse mauricienne finit par se cacher à elle-même.

L’île Maurice est encore toute jeune. Nous n’avons qu’une quarantaine d’années d’Indépendance, comparativement à de grandes nations à l’image des Etats-Unis qui en comptent 225 ans. La société mauricienne, pourtant toute jeune, est d’une rare impatience. Elle veut atteindre la même dimension que les grandes nations en peu de temps. Cet empressement laisse place à un ridicule copier-coller qui n’est absolument pas adapté au contexte mauricien. Et quand elle n’y arrive pas, elle se laisse engouffrer dans la déprime.

En fait, la jeunesse mauricienne n’a aucune conscience de sa propre histoire, de son propre parcours, des combats du passé, des combats pré-indépendance. Mais que connaît-on vraiment de nos origines, outre les quelques anecdotes de notre histoire enseignées à l’école primaire? Ce qui résulte en un manque évident d’identité. Comment sommes-nous arrivés à cette étape de notre histoire et surtout où allons-nous? Mais ce n’est pas cette jeunesse qui méprise son passé. Elle n’y est simplement pas confrontée…

Tiken Jah Fakoly a montré que c’était la responsabilité des artistes de susciter cet éveil des consciences. Un pas qu’a suivi le Kolektif Revey Twa dans sa campagne de sensibilisation contre le Sida. Mais cela ne suffit pas… Il faut aller encore plus loin.

Il faut poursuivre le combat pour que la jeunesse mauricienne aille à la recherche de sa propre identité, qu’elle la comprenne, qu’elle l’accepte et ensuite qu’elle construise des bases solides autour d’une histoire commune. Cela débouchera, alors, sur une génération mauricienne épanouie et surtout en parfaite harmonie avec sa propre histoire, capable enfin de regarder vers l’avenir. Il est évident que l’homme de demain ne peut se forger sans avoir conscience des combats du passé…