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Les hôpitaux hangars

25 juillet 2013, 09:55

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Les hôpitaux hangars

Au début de cette semaine Kate Middleton a accouché d’un futur roi de la Grande-Bretagne au St Mary’s Hospital, du quartier de Paddington. Cet établissement est en fait un hôpital public, géré par le National Health Service  trust.

 

L’hôpital public du Royaume-Uni est ce que les Mauriciens appellent « lopital » et les soins y sont gratuits, tout comme dans les hôpitaux  publics de Maurice.

 

Les hôpitaux privés de la Grande-Bretagne sont les équivalents des « cliniques » de Maurice et les soins y sont payants.

 

Il est vrai que le couple royal a bénéficié de ce qu’on appelle la loterie du code postale – the postal code lottery - , sujet qui pourrait être au centre d’une autre réflexion sur le système de Santé.

 

Ce qui ne nous empêche pas de nous demander combien de Mauriciens qui ont les moyens accepteront d’accoucher ou de se faire soigner dans un de nos hôpitaux publics.

 

Aujourd’hui, même ceux qui n’ont pas les moyens consentissent à des sacrifices, souvent à des emprunts où à de l’entraide familiale, pour se faire soigner – et bien souvent sont écorchés - dans des cliniques privées.

 

Et pourtant, les médecins exerçant dans ces clinques sont souvent les mêmes qu’on retrouve dans nos hôpitaux, ou alors ce sont des médecins qui ont travaillé dans nos hôpitaux avant de migrer vers les cliniques. Les infirmiers des cliniques ont été pour la plupart formés dans nos hôpitaux publics.  Ce n’est que récemment qu’une clinique privée a commencé la formation de ses infirmiers.

 

L’attitude de certains médecins mais également des infirmiers vis-à-vis des malades diffère énormément, selon qu’ils sont dans un milieu hospitalier ou dans une clinique privée. Le ministère de la Santé réfléchit en ce moment sur le sujet …

 

Toutefois, le comportement du personnel hospitalier n’est qu’une raison  derrière l’aversion que provoque de nos hôpitaux.

 

L’autre raison est l’architecture hospitalière de Maurice qui provoque dégout et aversion non seulement de la part des malades, mais également du personnel soignant. Leur attitude envers les malades pourrait aussi être expliquée par l’environnement exécrable dans lequel ils travaillent.

 

Les cadres du ministère de la Santé ont fait preuve d’une absence totale de réflexion sur ce sujet jusqu’ici. L’incompétence des techniciens de la santé  en termes d’architecture hospitalière a donné lieu non seulement à des gaspillages des centaines de millions de roupies des contribuables, mais également à des atteintes quotidiennes à l’intimité, la vie privée et la dignité et le confort de ces pauvres malades, qui sont malgré tout des contribuables.

 

Dans plusieurs salles de l’hôpital Candos, surpeuplées, les malades ne sont séparés que par l’espace nécessaire pour permettre à une personne de se tenir  entre les lits. Certains malades sont déshabillés pour leur bain ou des pansements au vu de tous ceux se trouvant dans la salle. Même pas des rideaux, comme ceux de l’hôpital de Rose-Belle, pour préserver l’intimité de ces malades.

 

Ajouté à cela les mauvaises conditions hygiéniques des salles, la mauvaise ventilation, la forte chaleur en été, l’état déplorable des toilettes, et la qualité exécrable des aliments servis, et on obtient  ce qu’un cardiologue de réputation internationale a qualifié « d’hôpital hangar ».

 

Jusqu’ici, Maurice a privilégié l’hôpital pavillonnaire, vieux principe d’architecture hospitalière qui consiste à  répartir les différentes unités fonctionnelles  ou les différents services hospitaliers dans plusieurs bâtiments appelés « pavillons ». Pendant longtemps, l’Etat Mauricien s’est contenté d’agrandir ces pavillons  ou d’y ajouter d’autres lits. Il a fini par les rendre impropres à des soins hospitaliers.

 

Le concept de l’hôpital-bloc, concept apparu vers 1930 à travers le monde, n’a été adopté que tout récemment par le ministère de la Santé.

 

Or, ce ministère n’a pas encore réalisé que les hôpitaux  ou les blocs modernes sont conçus pour minimiser les efforts des médecins et infirmiers, pour leur assurer confort dans leur travail, pour réduire les risques de contaminations,  pour préserver l’intimité et la dignité des malades, pour optimiser l’efficacité du système dans son ensemble. La longueur des déplacements du personnel au sein de l’hôpital y est réduite et le transport des patients d’une unité à une autre facilité.

 

C’est absolument le contraire de tout cela que les techniciens du ministère de la Santé ont réalisé avec le nouveau bloc des urgences de l’hôpital Candos, qui est hébergé dans un bâtiment mal construit et qui n’a cessé de suinter depuis sa construction.

 

Pour transporter les malades de ce bloc vers les pavillons ou « ward », il faut utiliser des ambulances. Quand ces dernières ne sont pas disponibles, ce sont sur des fauteuils roulants qu’ils sont transportés, sous la pluie ou le soleil.

 

La construction d’une passerelle pour relier ce bloc au pavillon se trouvant derrière le laboratoire central a bien été initiée. Les fondations ont été coulées et les travaux abandonnés peu après. Encore de l’argent gaspillé.

 

De fait, ce nouveau bloc des urgences est un scandale de gaspillage résultant de la mauvaise planification. Moins de 50 % de ce bâtiment est en ce moment utilisé, soit plusieurs années après sa mise en service. Un bloc opératoire high-tech se trouvant à l’étage est utilisé pour la réanimation alors que la salle de réanimation reste à l’abandon. Son unité de consultation externe « out-patient » est hébergé dans un espace si restreint que malades, infirmiers et médecins y suffoquent.

 

Absence totale, dans ce bloc, d’espace privé pour qu’infirmiers et médecins puissent se reposer. Absence également d’une chambre où médecins et infirmiers peuvent accueillir les parents des malades devant être opérés ou encore décédés pour leur parler. Tout cela se fait dans les couloirs.

 

On retrouve presque le même cas de figure à l’hôpital de Souillac avec un bâtiment construit à coups de millions et qui reste quasiment inutilisé.

 

On pourra remplir toutes les pages de l’express avec les scandaleuses incompétences et les impardonnables erreurs du ministère de la Santé en termes d’architecture hospitalière.

 

Ce qui me fait penser au célèbre chirurgien cardiologue, Renat Acturine qui me confiait, lors d’une de ses visites à Maurice, que le ministère de la Santé de Maurice cherche à faire de la médecine high-tech dans des hangars.

 

On tremble aujourd’hui à l’idée de ce pourrait être le nouveau bloc de 10 étages en construction à Candos.