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L’heure de vérité

16 novembre 2010, 08:10

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Laissons à leurs œuvres les godillots qui assomment leurs pupitres à chaque annonce de munificence du trésor public. Revenons plutôt à l’Homo Sapiens, à ceux qui savent qu’il n’y a pas plus de gloire à gauche qu’à droite, pas plus de mérite à alléger la fiscalité qu’à imposer de nouvelles taxes. Quiconque résiste à la caricature de l’action d’un homme public s’imposera de juger cette dernière à l’aune de sa pertinence quant à des  objectifs raisonnables, plutôt qu’à l’échelle de trop commodes positionnements idéologiques.

Depuis son indépendance en 1968, sans doute l’île Maurice n’a-t-elle jamais eu un ministre des Finances aussi préoccupé que Rama Sithanen de social, de lutte contre la pauvreté, aussi convaincu que notre tissu social finira par ne plus pouvoir résister à la pauvreté de certains quartiers et à l’inégalité qu’elle souligne. Mais ce même homme est profondément convaincu qu’il n’est possible d’engager ces chantiers sociaux, de les financer du trésor public que si ce dernier dispose d’une fiscal buoyancy suffisante. Ce qui implique que les entreprises payant la Corporate Tax et, depuis peu, contribuant au Corporate Responsibility Fund, aient toujours la liberté requise pour générer des profits. Et, du coup, ce ministre des Finances qui avait un vrai projet social - du moins, le seul qui l’ait exposé - s’est vu accusé d’être l’homme du secteur privé, le Rogers Boy, etc.

Sans doute parce qu’il n’avait pas digéré le changement de bord - certes suprenant ! - de Rama Sithanen à la veille des élections de 2000, l’actuel ministre des Finances avait, tout au long de la précédente législature, fait de son prédécesseur sa tête de Turc. Puis, il y eut ce qu’on sait, le désaveu, pour ne pas dire la trahison, de Sithanen par son Premier ministre, cela nous valant, comme par un effet de vases communiquants, la montée en grâce de Pravind Jugnauth, voire le pari que cet amateur en matière économique et financière serait à la hauteur de la période difficile dont nous sortons à peine.
Sans doute peut-on dire que, même s’il n’est pas économiste, le Grand-Argentier a dû gérer suffisamment de fortune pour comprendre dans les grandes lignes comment l’argent se comporte. Malgré la dureté de son propos au sujet de la peine de mort, malgré ses invités - le BJP indien et le Parti conservateur britannique - aux 25 ans de son MSM, nous nous garderons, à quelques jours du Budget 2011, d’enfermer Pravind Jugnauth dans l’image d’homme de droite que, lui-même, a cultivée. Il le sait bien, lui aussi, il n’y a pas plus de gloire à droite qu’à gauche, pas plus de mérite à gauche qu’à droite. Il n’y a qu’un ministre des Finances, un homme responsable, plus préoccupé par les résultats, tant sociaux qu’économiques, de son action, un homme capable, au besoin, de reconnaître la pertinence et l’utilité de ce qu’avait entrepris son prédécesseur.

Pravind Jugnauth, au tournant actuel de notre vie économique et de sa carrière politique, doit pouvoir démontrer qu’il est un homme de conviction.

S’acharner à défaire systématiquement ce qu’à réalisé un prédécesseur immédiat n’indique pas une intelligence convaincue mais plutôt une obstination bornée. Il faut souhaiter que le vice-Premier ministre et ministre des Finances ait déjà dépassé cette période d’enfantillage. Nous voulons croire que face aux enjeux, face à l’investissement et l’emploi, face aux questions de la monnaie, face au financement des services publics auxquels les Mauriciens ne renonceront pas, un homme de bonne volonté met de côté l’idéologie mauvaise conseillère et l’animosité qui rend l’esprit étroit plutôt que large et ouvert.

Un budget, c’est aussi une proposition d’équilibre des comptes de la nation. Cette année aussi, il y aura ceux qui n’auront pas la patience d’attendre un an pour savoir si les objectifs annoncés ont été atteints. Dès vendredi, ils auront commencé à vociférer. La différence, pour Pravind Jugnauth, c’est qu’il n’aura pas le droit, cette fois, de hurler avec les loups.