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L’institution derrière l’homme
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L’institution derrière l’homme
Rama Valayden doit-il être trainé en justice ? A-t-il commis un grave délit en alléguant que ce sont les suspects de « la communauté créole » qui sont le plus souvent victimes de brutalité policière ? Nous ne le pensons pas. Car il n’est pas faux de dire que les « ti créoles » ou les « rastas » font trop souvent l’objet d’une présomption de culpabilité.Ce qui amène parfois des policiers zélés - souvent les mêmes – à utiliser des méthodes musclées pour obtenir leurs aveux.
Ceux qui pensent que Valayden a dépassé les bornes refusent de voir les réalités locales en face. L’avocat a posé une question essentielle : celle de l’égalité des droits dans notre société. De nombreux citoyens se posent la même question. Car ils pensent être moins égaux que d’autres devant les institutions du pays. Ce n’était donc en rien étonnant de voir de nombreuses associations voler au secours de Valayden à la suite de la polémique autour de ses propos.
Toutefois, si le citoyen Valayden n’est en rien blâmable d’avoir posé la bonne question, l’« Attorney General » est, lui, coupable d’un faux pas institutionnel majeur. C’est le mélange des genres qu’entretient Valayden qui est à l’origine de ses gaffes à répétition. Il n’a pas su – et ne sait d’ailleurs toujours pas – faire la part des choses entre ses amitiés, son opportunisme politique, son « droitdelhommisme » et ses fonctions d’« Attorney Gene - ral ». Cela risque, à terme, de lui coûter sa place.
Valayden semble trop facilement occulter le fait qu’il est une institution. Seuls trois postes ministériels sont spécifiquement cités dans la Loi suprême : le Premier ministre, le vice- Premier ministre et l’« Attorney Gene - ral ». Et la mission qui est dévolue à ce dernier est des plus importantes. Il est le principal conseiller juridique du gouvernement. Et représente également celui-ci lors de toutes les actions en justice.
De par son rôle, le ministre de la Justice est donc tenu à un devoir de réserve dans ses activités politiques. Car toute déclaration alambiquée peut le mener à l’incident institutionnel. Et c’est justement ce qui vient de se produire. En effet, on peut tirer des conclusions de ce qu’a dit Valayden. Premièrement, on peut penser qu’il a lui-même failli à sa tâche d’« Attorney General ». Si ce qu’il avance est vrai, on peut penser qu’il n’a rien fait – en sa capacité de conseiller juridique du gouvernement – pour que nos lois ou règlements mettent fin aux comportements inacceptables qu’il dénonce chez les policiers.Ensuite, si l’on accorde à Valayden le bénéfice du doute, en admettant qu’il partage son point de vue avec le Premier ministre et ministre de l’Intérieur, la conclusion en devient encore plus dérangeante. Cela voudrait dire que mis devant ces faits, Navin Ramgoolam a décidé de ne pas agir. La déclaration de Valayden peut donc signifier que le Premier ministre de la République ne compte pas changer nos lois afin que des atteintes aux
droits individuels cessent !
Il est difficile de trouver des circonstances atténuantes à Valayden. Car le lieu où il a fait cette déclaration – un congrès de délégués du PMSD – donne une indication claire que c’est bien Rama Valayden, le chef de parti populiste et soucieux d’attirer le vote créole, qui prenait la parole. Sauf que pendant qu’il est chef de parti, Valayden demeure ministre de la Justice. C’est l’utilisation de la plateforme politicienne qui aggrave donc la faute. Car ne nous y trompons pas. Il y a fort à parier que le même discours, s’il était tenu lors du lancement du rapport annuel de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, aurait été accueilli d’une toute autre manière.
On aurait alors vu, dans les propos de Rama Valayden, le réalisme du gouvernement devant le comportement inacceptable de certains policiers. Et l’on se serait même empressé de lui demander si des lois sont en préparation ou en voie de toilettage afin de faire cesser de telles pratiques. Cette situation ne s’est pas produite. Car Rama Valayden est trop politicien et pas assez homme d’Etat. Mais tout s’apprend… et peut-être que le ministre de la Justice, à force de répéter les mêmes erreurs, finira par
apprendre sa leçon.
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