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Madagascar : Vers un nouvel imbroglio ?

18 janvier 2014, 07:54

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Certes, la Cour électorale spéciale (CES) de Madagascar a tranché et la Grande île a enfin un nouveau président élu en la personne de Hery Rajaonarimampianina, proche du camp du pouvoir sortant, mais il est encore tôt pour affirmer si c’est la fin de la crise politique. On peut peut-être avancer que c’est la fi n de la transition politique (présidée par Andry Rajoelina depuis son coup d’État de mars 2009), hélas, on ne peut pas afficher un optimisme béat, et prétendre que Madagascar va tout de suite redémarrer sur des bases plus solides… Car rien n’est gagné !

 

D’abord, les chiffres. La CES a enregistré plus d’une centaine de contestations des résultats officiels, avec des allégations de fraude massive venant des candidats battus. Et le principal adversaire dans l’opposition, Jean- Louis Robinson, candidat de l’ancien président Marc Ravalomanana (qui vit en exil en Afrique du Sud depuis son renversement par Rajoelina), a déjà alerté la SADC, qui était en charge de la laborieuse médiation internationale débouchant sur les récentes élections présidentielle et législatives. La CES a choisi de trancher dans le vif, en faisant fi des protestations de Robinson qui a prédit «la fureur du peuple» si les voix de l’opposition sont ignorées…

 

Puis, force est de constater que seulement 50 % des inscrits ont voté ; donc la moitié des électeurs malgaches n’a pas voté – ce qui constitue l’un des plus faibles taux de participation de l’histoire de Madagascar, et qui traduit le désenchantement des Malgaches face à leurs politiciens. Des 50 % de votants, un peu plus de la moitié (soit 53,5 %) a opté pour Rajaonarimampianina, et 46,51 % pour Jean-Louis Robinson. Pas d’avantage net donc.

 

Si on fait abstraction des contestations du camp Ravalomanana- Robinson auprès des instances internationales et des risques de tension relatifs sur le territoire malgache, il reste que Rajaonarimampianina aura des difficultés manifestes à mener sa barque présidentielle face à son ancien leader Rajoelina, privé par la communauté internationale de présidentielle (comme Ravalomanana). En effet, Rajoelina se positionne pour devenir le nouveau Premier ministre, son nouveau parti le Mapar ayant remporté la majorité aux législatives, selon des résultats encore provisoires de la CES. Plus d’un observateur a évoqué la tentation de Rajoelina – qui est resté à la tête d’un pouvoir non élu depuis près de cinq ans et au sein duquel officiait le nouveau président – de conserver l’essentiel du pouvoir, soit les finances publiques et les principaux portefeuilles, alors que le président contrôlera l’armée. Certains parlent même d’un scénario à la Poutine-Medvedev, le temps que Rajoelina reprenne le pouvoir à la prochaine présidentielle. Sauf que Rajaonarimampianina pourrait être moins docile que Medvedev, ce qui provoquera une énième crise institutionnelle à Madagascar.

 

Cette éventualité est fort probable : Rajaonarimampianina a déjà montré des signes d’énervement alors que Rajoelina voulait lui faire porter ses couleurs lors de la présidentielle, surtout vers la fin du premier tour quand le candidat officiel de Rajoelina, le maire de Tana, se faisait devancer par Rajaonarimampianina– le candidat «officieux» qui a cherché depuis à s’émanciper de Rajoelina… Il l’avait d’ailleurs dit lors de la campagne, surprenant tout le monde : «Je ne suis pas l’homme de Rajoelina». Cette déclaration devait inciter ce dernier à créer un nouveau parti et à mettre le paquet sur les «législatives.» Il y a donc le risque d’un bras de fer entre Rajaonarimampianina (qui n’a pas de base politique ni de parti à proprement parler) et Rajoelina, surtout que désormais leur ennemi commun Robinson (l’homme de paille de Ravalomanana) a été écarté…

 

Une autre source d’instabilité pourrait être la règle non-écrite qui préconise un partage de pouvoir entre un politicien des hautes terres et un côtier. Rajaonarimampianina et Rajoelina viennent tous deux des hautes terres. Et puis, il y va de la posture que choisira l’ancien président Ravalomanana, dont l’épouse est, depuis l’an dernier, de retour à Madagascar, et se révèle très active politiquement et dans le monde des affaires, alors que lui-même est toujours sous le coup d’une interdiction de séjour sur l’île…

 

Ce que l’on peut souhaiter au peuple malgache, c’est que les politiques mettent de côté leurs différends et permettent au pays de respirer, enfin. Hery Rajaonarimampianina, comme ancien ministre des Finances, sait pertinemment que les investisseurs ont déserté Madagascar et que l’aide internationale a tari, ce qui a provoqué une grave crise économique et un appauvrissement général de la population, en parallèle à la succession des crises politiques... Et, souhaitons-le, le ras-le-bol des Malgaches et leur défiance à l’égard de la classe politique devraient jouer contre les influences néfastes des politiciens. Dans un pays économiquement exsangue qui a tant besoin de stabilité, souhaitons que l’investiture de Hery Rajaonarimampianina soit davantage une «bouffée d’oxygène» (souhaitée par les instances internationales, dont la COI) au lieu d’une autre crise politique, non seulement pour la Grande île, mais pour toute la région…