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Message à la nation 2014 : la longue marche du Mauricien

5 janvier 2014, 04:47

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Message à la nation 2014 : la longue marche du Mauricien

Essentiellement deux messages positifs dans le discours du Premier ministre à la nation : nous sommes un pays en paix (une évidence), nous sommes un pays de bâtisseurs. Du concret d’abord : l’aéroport, Terre-Rouge/Verdun. Ensuite, des annonces pour 2014 : on nous promet le port, la deuxième phase de la Ring Road, le métro léger. Finalement des promesses pour l’économie du futur : l’Etat-océan avec, dans son sillage, la pêche (on croyait que c’était déjà en marche), l’exploitation minérale (l’International Seabed Authority n’a pourtant émis que quelques permis de prospection à ce stade ) et, surprise, l’énergie renouvelable (on suppose que l’on parle ici de la Land-Based Oceanic Industry qui allait, entre autres, refroidir l’île à « bon marché » depuis l’annonce déjà faite par Sithanen… en 2006)

 

A partir de là, le discours (écrit par qui ?) tente quelques véritables prouesses acrobatiques. L’Etat-océan, nous dit-on, va créer de nouveaux emplois plus rémunérateurs « pou bane jeunes diplômés qui pé formé dans nou bane l’université et nou bane école de formation de métier » Ah bon !? (Même l’accent circonflexe est authentique !)

 

Notre pays, déclare-t-on, a fait des progrès spectaculaires dans le domaine de la connectivité numérique. La preuve en est que « ena plis téléphones portables ki dimounes dans nou pays » ! Et si cela était simplement le résultat du consumérisme ambiant, cherchant le dernier gadget, la dernière nouveauté ? En tout cas, les nombreuses défaillances du réseau, tant de téléphonie numérique que d’Internet (réseaux encombrés, streaming problématique, e-mailing très lent selon les endroits…) suggèrent que la promesse de « veillé a ceki nou continué améliore la qualité et la vitesse de connexion » n’est vraiment pas de trop ! En passant, réalise-t-on qu’en promettant « aussi ki prix continué baissé », c’est-à-dire en stimulant encore plus la demande, il faut faire d’autant plus augmenter l’offre (soit l’importance de notre connexion aux réseaux Internet du monde) pour prétendre améliorer la qualité et la vitesse de la connexion ? Concrètement, où en est-on ?

 

On nous annonce aussi un travail en profondeur pour que chaque « lacaze capave gagne di l’eau propre 24 sur 24 ». On mentionne le remplacement des vieux tuyaux percés, le barrage de Bagatelle et même, dans un souci d’honnêteté, ses problèmes techniques. Mais vous remarquerez que la promesse du « 24 sur 24 » n’est pas associée à une promesse de « 365 sur 365 », ni à une augmentation de prix.

 

Avant un survol de l’équation économique qui mise sur la démocratisation économique, les petites et moyennes entreprises et le contrôle de l’inflation, le Premier ministre affirme ne pas vouloir une nation d’assistés et dit croire fermement dans la récompense de l’effort. C’est énorme ! Pas un mot cependant sur ce qui sera aussi capital si l’on veut progresser solidement : la productivité, l’élimination du gaspillage, la discipline, les mêmes lois et les mêmes chances pour tous, les principes…

 

Le nine-year schooling, l’item vedette du dernier discours du Budget, fait l’objet d’une annonce inattendue : le PM a demandé à son « minis » de l’Education de « nomme ene commission pou donne tous les détails et explique clairement Ki nou pe rode faire » ! A la bonne heure !

 

Pour terminer, Navin Ramgoolam affirme clairement qu’il est maintenant l’heure de penser « Mauricien » et non en termes de communauté. Il prêche une nation de convertis ! Le dernier sondage qui s’y réfère, soit celui de Moriscopie publié dans le Best of 2013 de l’express le 16 décembre dernier (page 90), indique qu’en sus de 17% de citoyens qui se sentent d’abord mauriciens et seulement ensuite de telle communauté ou religion, 67% des citoyens se déclarent « senti ou kouma ene morisien, samem tou ». Ce sont ceux qui sont prêts pour du changement. A noter qu’il y a dix ans, 49 % de ceux sondés alors par la Sofres considéraient Maurice comme seulement « un collectif d’ethnies ». C’est dire le cheminement progressiste opéré depuis.

 

Mais il est difficile d’être convaincu par un chef d’Etat qui vous dit que si le projet de devenir constitutionnellement plus mauricien divise la nation (des récalcitrants il y en aura toujours, cela n’a pourtant pas empêché la longue marche de Mandela), il renoncera à son initiative et nous gardera donc constitutionnellement… divisés ! Car c’est ainsi donner un pouvoir de veto à ceux qui, comme l’âne de Buridan, refusent de choisir entre le passé sclérosé et le futur recomposé. Et comme le dit pourtant le Premier ministre lui-même dans ce discours, peut-on véritablement « construire ene pays lors souvenir du passé » ?