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Méfions-nous des « vérités »

28 août 2011, 04:23

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Désodorisant, désinfectant et brosse à récurer. C’est à peu près le matériel qu’il faut pour nettoyer la porcherie dans laquelle vit actuellement notre classe politique. En effet, il ne se passe plus une semaine sans que l’on suppute qu’un (ex ou actuel) ministre a trempé dans des affaires louches. Ou alors, que tel nominé politique a outrepassé les limites de ses fonctions ou carrément enfreint nos lois. Doit-on se réjouir de ce grand déballage ? Sur le principe : oui.


Il ne fait aucun doute que l’animosité que certains partis politiques se vouent depuis quelques semaines est propice à la révélation de certaines « affaires ». Ainsi, plus l’éventualité d’une alliance MSM-Parti travailliste devient infi nitésimale, plus la propension à dénoncer les turpitudes des alliés d’hier devient grande de part et d’autre. Le citoyen devrait normalement se réjouir de voir la vérité éclater au grand jour. Toutefois, l’on ne peut s’empêcher de s’interroger sur les motivations profondes de nos « deep throat » locaux.


C’est que la « vérité » est non seulement devenue un outil de manipulation et de règlement de comptes, mais aussi une arme de dissuasion parmi nos politiques. Cette semaine, les ministres Satish Faugoo et Michael Sik Yuen ont été happés par deux « affaires » à Rose-Belle Sugar Estate et à la Small and Medium Enterprise Development Authority. Ils nient cependant toute implication. Bien évidemment, la Commission anti-corruption (ICAC) ne révélera pas le(s) nom(s) du/des whistleblower(s) qui l’a mise sur ces pistes. Mais on peut aisément deviner d’où le coup de siffl et est parti…


Dans d’autres cas, pas besoin de supputations. Showkutally Soodhun devrait ainsi illustrer très bientôt, et de fort belle manière, la façon dont les « révélations » peuvent n’être rien d’autre que des tentatives de manipulation. En effet, celui qui a « dévoilé » que le Premier ministre et l’ancien patron de la clinique MedPoint auraient discuté affaire, serait soudain moins sûr de lui. Devant la Commission anti-corruption, il prétendrait désormais qu’il n’a fait que déduire qu’une rencontre a eu lieu à partir d’informations qu’il aurait reçues. Il n’est donc pas en mesure d’affirmer qu’il a dit la vérité…


Si l’on peut avoir un intérêt à manipuler la vérité, on peut gagner tout autant à la dissimuler. Voici deux mois que le nom d’un ex-ministre est évoqué dans l’affaire de la saisie de six conteneurs de bois de rose en provenance de Madagascar. Depuis la même période, au moins deux hautes personnalités de l’État semblent parfaitement au courant de l’implication de leur ancien collègue dans ce trafic. L’une de ces personnalités ne se serait d’ailleurs pas fait prier pour donner à son entourage quelques détails d’une autre grosse casserole que traîne cet ex-ministre.


Pourtant, quand cette personne a choisi d’aller chauffer les bancs de l’opposition, aucune révélation n’a été faite à son sujet. Pourquoi ? Par éthique ? Parce qu’au gouvernement, on n’a pas pour habitude d’achever un ennemi à terre. Par tactique ? Parce que le coup de grâce peut attendre un autre moment. Ou alors par peur ? Car la vérité, loin d’être l’enjeu d’une partie de « je te tiens, tu me tiens par la barbichette », peut en fait être le fondement d’une politique de dissuasion. La vérité ayant ici la fonction des bombes nucléaires dans la doctrine de « mutually assured destruction ».


En lisant cet éditorial, le lecteur non averti pourrait croire que seul deux partis se livrent au jeu de la manipulation et de la rétention d’information. Il aurait tort, car le troisième parti de l’échiquier, le MMM, ne peut en aucun cas se positionner comme le camp « père-la-vertu ». Les pourfendeurs autoproclamés de la corruption doivent se souvenir que plusieurs des leurs se sont retrouvés devant l’ICAC et l’Economic Crime Offi ce dans le passé. Plus récemment, les mauves se sont également illustrés par leurs calculs et leur opportunisme en retirant des questions embarrassantes au Parlement. Ce parti est donc mal inspiré en dénonçant un match dans lequel il n’est finalement qu’un joueur tout aussi zélé que les autres.


Tout cela ne doit toutefois pas nous écarter de la recherche de la vérité. Dans cette tâche, le rôle de l’ICAC demeure crucial. C’est à elle qu’il appartient de déterminer les responsabilités dans les différentes « affaires » qui sont portées devant elle. L’enjeu pour la Commission anti-corruption demeure plus que jamais clair : déterminer s’il y a eu corruption et trouver les coupables. Qu’importe les jeux politiciens en cours.