Publicité

Nos droits d’employeurs

13 novembre 2011, 02:24

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Nous sommes 1,3 million d’employeurs à Maurice. Qui fi nançons conjointement le salaire des dizaines de milliers de personnes qui travaillent dans les différentes institutions de l’Etat. La TVA sur un litre d’essence, la gaming tax sur un ticket de loterie, les droits de douane sur une paire de baskets ou les impôts que beaucoup d’entre nous reversons servent, en fin de course, à rémunérer fonctionnaires, juges, Premier ministre ou députés. En tant qu’employeurs, nous pouvons donc nous permettre d’être regardants par rapport à la performance de nos employés.

Xavier Duval, a dit, dans son budget, vouloir privilégier l’efficacité au sein des institutions publiques. Nous ne pouvons que le prendre au mot. Dans six mois, nous scruterons donc dans les détails le bilan qu’il présentera en matière de « high productivity and high efficiency » dans le secteur public. Celui-ci ne se résume pas toutefois à nos dizaines de corps paraétatiques et aux milliers de fonctionnaires. Il est temps que nous nous intéressions aussi aux deux autres bras de l’Etat : le judiciaire et le législatif.

Commençons par nos juges. Le principe de séparation des pouvoirs garantit une grande liberté au troisième pouvoir. Toutefois, celle-ci n’est pas absolue. Le judiciaire est, par exemple, soumis au contrôle du bureau de l’Audit. Dans son dernier rapport, Rajun Jugurnath avait ainsi noté que le judiciaire avait attribué un marché public en enfreignant la Public Procurement Act de 2006. Des anomalies dans le paiement des « mileage costs » des huissiers de justice avaient également été constatées.

Toutefois, ce ne sont là que des éléments d’administration interne auxquels le grand public ne porte pas nécessairement attention. Tout simplement, parce qu’il ne les voit pas. Ce que le justiciable lambda constate, par contre, c’est la lenteur avec laquelle nos juges avancent parfois. « Justice delayed is justice denied », dit l’adage anglo-saxon.

Nombre de Mauriciens pensent ainsi, chaque année, assister, sous différentes formes, à des cas de déni de justice. Ici, c’est un jugement en référé demandé pour trancher d’une question urgente qui prend des mois à être rendu. Là, c’est un procès qui traîne en plaçant la vie d’une personne entre parenthèses durant des années. Il faudrait que les employeurs que nous sommes puissent demander au judiciaire de nous fournir des comptes non seulement sur ses finances mais aussi d’expliquer clairement sa relative incapacité à dire le droit dans un temps raisonnable. Ce n’est en rien être « contemptuous » que de réclamer cela à nos juges.

Reste l’autre bras de l’Etat : le législatif. En salaire et autres « facilities allowance », nous reverserons collectivement un peu plus de Rs 97 millions à nos députés et au Speaker de notre Assemblée nationale en 2012. Or, d’aucuns pourraient se laisser aller à faire une analogie à leur sujet. Si un jardinier travaille à mi-temps chez un client, il ne peut logiquement prétendre au salaire d’un employé à temps plein. Or, c’est à peu de choses près ce qui se passe au Parlement.

Depuis les élections générales de mai 2010, les députés ont été en travaux pendant un peu moins de neuf mois. Avec uniquement deux petits mois d’activités intenses durant lesquels le Parlement s’est réuni sur une base quasi quotidienne pour débattre de notre loi des finances. Les députés de la République n’ont donc passé que la moitié des 18 derniers mois à discuter des lois du pays et à contrôler et questionner le travail du gouvernement. Certes, on nous rétorquera qu’il n’y a pas foison de textes de lois à discuter. Que cela ne justifie donc pas des réunions plus régulières du Parlement. L’on nous opposera également le fait que si les ministres du gouvernement passent trois jours par semaine au Parlement, il ne leur restera que peu de temps pour s’acquitter de leurs fonctions et devoirs ministériels.

Il n’empêche que la question de fond demeure. Pourquoi consentons-nous à dépenser autant de fonds publics dans une institution qui ne fonctionne que la moitié de l’année ? Pourquoi ne devrions-nous pas exiger du judiciaire qu’il fasse de la célérité sa priorité absolue dans le service qu’il nous doit à nous – ses clients aussi bien que ses employeurs ? Après tout, chacun doit rendre des comptes !