Publicité

Notre xénophobie ordinaire

31 octobre 2010, 04:32

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Iris Peitzmeier à l’échafaud ! Pour certains étudiants du Fashion and Design Institute (FDI), la cause est entendue. Leur directrice n’est pas à sa place à la tête de l’institution (voir page 29). Loin de vouloir leur faire entendre raison, certains enseignants du FDI semblent même encourager les mutins dans leur croisade contre l’Allemande qui dirige l’école nationale de stylisme. Voici un incident de plus à ajouter aux nombreuses manifestations de la xénophobie ordinaire chez les Mauriciens.

Il faut toutefois nuancer les choses. La xénophobie sévit d’abord dans les institutions publiques et parapubliques. Bien moins dans le secteur privé. En effet, depuis des années, des cadres étrangers travaillent aux plus hauts échelons de nos entreprises sans que leur compétence ou leurs méthodes soient systématiquement remises en cause. Sans doute est-ce parce qu’une entreprise, qu’elle soit basée à San Francisco, Mumbai ou Brisbane obéit aux même logiques de performance et de résultat. Peu importe la nationalité de ses dirigeants.

Pourquoi donc, à l’inverse, l’arrivée d’étrangers au sein de nos  administrations pose autant de problèmes ? L’Ecossais Bill Duff et l’Australien Phillip Cash en 2006. Le Canadien Bert Cunningham en 2008. Le Britannique John Davies, il y a quelques  semaines. Ce ne sont là que quelques exemples de professionnels aux compétences reconnues qui ont dû jeter l’éponge à la suite d’une guerre larvée avec leurs collègues ou leur hiérarchie.

La première explication est bien évidemment culturelle. Nos administrations baignent dans une certitude toute insulaire. Qui consiste à penser que nous savons à peu près tout faire à Maurice. Cette attitude volontariste est bien évidemment utile dans certaines circonstances. Mais elle devient  contreproductive quand, à la suite de la nomination d’un étranger à la tête d’une administration, ses collègues et ses subordonnés, se mettent en tête qu’un Mauricien aurait très bien pu faire le job à sa place. Et même, très certainement, le faire mieux que lui !

De là s’ensuit la même séquence : quasiment toutes les décisions – surtout celles  remettant en cause l’ordre et les règles établis – sont contestées. L’argument roi ne tarde pas à tomber « c’est un étranger qui ne comprend rien à notre système et qui prend les mauvaises décisions.

Il aurait mieux valu installer un Mauricien à ce poste ! »Quand on sait que ceux qui tiennent ce genre d’arguments sont souvent des nominés politiques au sein de ces mêmes administrations, on comprend très vite pourquoi le pouvoir arbitre régulièrement en la défaveur de ces « étrangers » coupables d’avoir voulu innover…

Quand ce n’est pas le choc des cultures, c’est celui des salaires qui cause bien des dégâts. Nous avons un gros problème avec ceux gagnant bien leur vie à Maurice. A fortiori, les Mauriciens les voient d’un œil encore plus mauvais quand ils sont étrangers. Ainsi, cela a été un scandale, quand fi n 2006, on a appris que Bill Duff, l’ancien commissaire des  prisons, percevait des revenus de plus de Rs 200 000 par mois. Même cri d’horreur – notamment en provenance des syndicalistes - quand le salaire (plus de Rs 300 000) de Bert Cunningham a été rendu public en 2007.

Pourtant, si l’on regarde les faits, 10 000 dollars par mois, ce n’est vraiment pas cher  payé pour s’adjoindre les services d’une personne compétente, au parcours riche et à qui on a demandé de s’expatrier avec toute sa famille le temps de sa mission à Maurice. Seuls les hypocrites diront qu’un traitement salarial adéquat – donc généreux – n’est pas justifi é dans ces cas-là.

Les hommes et femmes de qualité sont une denrée rare sur le marché international. Pour les attirer, il faut non seulement leur proposer un bon salaire, mais aussi un challenge professionnel intéressant et un cadre de vie attractif. C’est quelque part le mélange de ces trois facteurs qui explique pourquoi Maurice a parfois pu attirer des talents étrangers au sein de l’administration publique alors que ceux-ci auraient pu percevoir un salaire autrement plus intéressant en s’expatriant au Brésil, en Chine ou dans les pays du Golfe.

Il est temps que nous soignions certains de nos complexes de colonisés. Non, les   étrangers ne viennent pas nécessairement nous dire quoi faire et comment penser. Nous les payons pour partager avec nous leur expérience. Et le gaspillage le plus stupide dont nous pouvons nous rendre coupables, consiste à les empêcher de terminer leur  mission en trouvant to toutes sortes de prétextes pour les renvoyer chez eux…


 

Rabin BHUJUN