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Nous voulons croire !
Nous avons le choix. Celui de regarder le cinéma de Paul Bérenger et de Pravind Jugnauth sans broncher. Ou alors tenter une critique constructive de la pièce tragi-comique qu’ils nous jouent depuis samedi dernier. Drapés dans leurs costumes d’hommes d’Etat et emportés par leur jeu d’acteurs, les patrons du MMM et du MSM ne doivent pas feindre l’ignorance.
Jugnauth et surtout Bérenger ne peuvent méconnaître le fonctionnement de notre système politique ni celui de Navin Ramgoolam. Le Premier ministre aime être en contrôle des événements. Or, depuis samedi dernier, Bérenger a imposé le sujet et le timing des discussions aux autres chefs politiques. En temps normal, ce serait le plus sûr moyen d’amener Ramgoolam à s’arc-bouter car il déteste donner l’impression de se faire dicter sa conduite…
Mais cette fois-ci, quelque chose est différent. Ramgoolam semble être dans de très bonnes dispositions pour discuter de la réforme électorale. Ce vendredi, il s’est d’ailleurs longuement entretenu avec Rama Sithanen puis Jayen Cuttaree à ce sujet. Paul Bérenger se doit de prendre acte. S’il veut faire aboutir la réforme, la logique voudrait qu’il s’assure du soutien et de la
compréhension de celui le plus à même de l’aider dans sa tâche.
Si Navin Ramgoolam consent à faire voter sa majorité de 36 députés avec les 19 MMM du Parlement, n’importe quelle réforme – dont celle de notre mode de scrutin – est réalisable. Pourtant, le patron des mauves perd son temps en palabres avec son ancien « ti-frer ». Le MSM s’était montré critique envers les recommandations de la Commission Sachs et du Select Committee présidé par Ivan Collendavelloo en 2004. Tandis que le MMM et le Parti travailliste parlaient d’une seule voix en leur faveur. Lundi, Collendavelloo l’a rappelé sur Radio One. Il a clairement affirmé que le temps n’est plus à la discussion mais à l’action.
Le principe de la réforme électorale et ses aspects les plus importants ne font l’objet d’aucune divergence fondamentale entre les deux partis politiques susceptibles de la concrétiser. Toutefois, quelques questions devront être tranchées si la formule consensuelle d’une dose de proportionnelle s’adjoint à notre système actuel de vote first past the post (FPTP).
Pour que le projet de réforme atteigne sa phase cruciale, deux hommes doivent prendre leurs responsabilités. Ramgoolam doit maîtriser sa peur de froisser certaines minorités. Pendant que Bérenger abandonne (temporairement ?) son obsession par rapport aux « réalités » politiques du pays. Les deux hommes peuvent entrer dans l’Histoire en arrivant à un consensus sur un sujet : la manière dont le scrutin proportionnel sera utilisé pour corriger les déséquilibres de notre système électoral. Notamment la sous-représentation des femmes et des minorités ethniques au Parlement.
Paradoxalement, Ramgoolam et Bérenger ont là l’occasion inouïe de tordre le cou à un mythe. Celui qui veut que seul un système de quotas basique peut améliorer la présence des femmes à l’Assemblée nationale. Et qui prétend également que le Best Loser System (BLS) est l’unique moyen de corriger la sous-représentation des minorités dans notre système
politique. Faux ! De nombreuses simulations ont démontré que non seulement le BLS est parfaitement assimilable et soluble dans un scrutin avec une dose de proportionnelle, mais ce type de vote permet en fait une meilleure représentation des minorités et des femmes au Parlement.
Le système qui permet l’élection d’une partie de nos députés à l’aide d’un scrutin de liste (party list) national repose toutefois sur le progressisme et l’ouverture d’esprit de nos principaux chefs politiques. Car dans le nouveau schéma, ils détermineront personnellement la place qu’occuperont les femmes et les minorités ethniques sur leurs listes. Ce qui permettra d’ailleurs aux Mauriciens de juger sur pièce leur attachement à augmenter la représentation au Parlement de certaines catégories de citoyens.
Accessoirement, resteront d’autres questions. Faut-il élire 20 ou 30 députés à la proportionnelle ? Et ainsi potentiellement faire passer le ratio député/population à un pour 13 000 habitants à Maurice, avec un Parlement de 100 membres. Quand ce même ratio est d’un pour 2,15 millions d’habitants au Lok Sabha indien ou d’un pour 96 459 à la House of Commons britannique. Il y a un prix à payer pour que notre système électoral soit enfin plus juste et représentatif.
Durant sa conférence de presse d’hier, Navin Ramgoolam est apparu comme étant parfaitement conscient de l’importance d’entamer, enfin, cette réforme cruciale. Paul Bérenger s’est, lui, déjà fait pèlerin de la cause. Messieurs, pour une fois le pays veut croire en vous. Gare à ne pas décevoir 1,3 million de Mauriciens
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