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Où sont passés les intellectuels ?

16 mars 2014, 08:04

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Où sont passés les intellectuels ?

 

C’est peut-être l’influence du tumultueux philosophe Michel Onfray, récemment de passage chez nous, ou une simple coïncidence comme dirait cette éminence grise, mais toujours est-il que ce numéro comprend des articles assez critiques contre des dogmes, religions, croyances, ou charlatans spirituels (voir pages 14-15, 21 et 23). L’objectif n’est certainement pas de prendre fait et cause pour ou contre les voies religieuses, qu’elles soient pénétrables ou impénétrables. L’idée – et cette rubrique essaie de s’y atteler chaque dimanche – est de questionner en permanence les idéologies (quelles qu’elles soient) et d’explorer les voies de la pensée et de ses turbulences, qui restent multiples et singulières. Bref de combattre cette pensée unique que d’aucuns aimeraient instaurer, sous le couvert de la démocratie…

 

A essayer de suivre nos tristes actualités et agitateurs politiques, un constat : le débat citoyen devient de plus en plus pauvre, à mesure que notre PIB augmente. Notre société se consacre bien moins à la réflexion, mais davantage à la communication. Les communicants veulent remplacer les journalistes et pensent sincèrement pouvoir le faire. Alors les communiqués prennent la forme des articles de presse. Et sur un blog quelconque qu’on crée en deuxtrois clics, l’on s’érige en donneur de leçons civiques. La balkanisation de la pensée mauricienne devient de plus en plus inquiétante, du moins à nos yeux.

 

Bientôt un demi-siècle après notre indépendance, il nous semble impératif que subsistent des lieux consacrés à la réflexion. Plus que jamais, il nous faut opérer un retour aux humanités, à la tradition philosophique et journalistique, dans laquelle ce journal a été créé en 1963. Il nous faut pousser vers une culture qui favorise un rapport civique avec la politique. Cela peut prendre des allures militantes, syndicales, contestatrices, mais il faut veiller que la chose publique demeure centrale dans nos préoccupations, que le débat des idées ait lieu, que le combat des personnes ou des tribus n’ait pas lieu…

 

En 46 ans, le rôle et la place de l’intellectuel dans notre société ont bien évolué. C’est clair qu’elle ne le regarde plus comme avant. Et on doit s’interroger : ou sont passés nos intellectuels ? Pourquoi des gens qui n’ont rien de constructif ou d’important à dire sont souvent ceux qui s’agitent le plus, sur les radios ou sur le net ? Les intellectuels mauriciens ne portent-ils pas eux-mêmes une responsabilité d’avoir laissé le champ libre à des pense-petits ? Ne paient-ils pas des errements et des erreurs politiques ?

 

Quoi qu’il en soit, nous avons pris le pari de garder le flambeau allumé, de poursuivre le travail de fond, de défendre les valeurs fondatrices de ce journal. Car entre la fonction de propagande et la vocation de dérision, il y a, tracée dans notre conscience professionnelle, « une route jalouse, étroite et austère dont il est facile de dévier pour servir d’autres maîtres. Il faut au moins garder l’humilité de savoir qu’elle existe. » Car notre rôle, notre travail, c’est quand même de penser ce qui vient, et d’écrire ce que nous croyons être juste…