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Où est le rêve ?

21 novembre 2010, 07:19

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Mauritius, c’est un dream ! Si le concept « Mauritian dream » est revenu quatre fois dans le discours de vendredi de Pravind Jugnauth, on peine un peu à comprendre clairement à quoi renvoie l’idée du ministre des Finances.Certes, l’on peut nous rétorquer que ce rêve consiste à amener notre économie à produire Rs 1 000 milliards de richesse nationale dans les années 2020. En permettant alors à chaque Mauricien de contribuer Rs 600 000 à cette création de richesse. Oui, mais comment réaliset- on ce rêve ?

Depuis l’indépendance, à chaque décennie, nous avons découvert des ministres des Finances aux styles et philosophies différents. Post 1968, c’est l’interventionnisme de l’Etat qui a, seul, soutenu l’économie. Dans les années 80, c’est une stratégie de croissance industrielle qui a pu fonctionner. Il y a déjà 20 ans, l’accent mis sur la tertiarisation et la modernisation de l’économie a permis au pays d’entamer une nouvelle phase de  développement. Enfi n, les années 2000 ont été marquées par la création ainsi que la restructuration de plusieurs pôles économiques.

Durant chaque période, les ministres des Finances les plus emblématiques - sir Veerasamy Ringadoo, Vishnu Lutchmeenaraidoo ou Rama Sithanen - ont marqué de leur empreinte l’action économique de l’Etat. Ringadoo, c’était « l’Etat qui fait tout » . Lutchmeenaraidoo : le dirigisme raisonné adossé à une stratégie de croissance par la consommation. Sithanen : une certaine conception du libéralisme fondée sur l’ouverture économique notamment à travers les investissements étrangers.

Pravind Jugnauth avait semblé avoir trouvé sa philosophie en 2004 avec son projet « Duty- Free Island » . Une réinterprétation de la croissance par la consommation. Dont les deux moteurs étaient l’affl ux massif d’investissements étrangers et le pouvoir d’achat importé de centaines de milliers de touristes. Mais depuis vendredi, Jugnauth semble s’être un peu égaré.

Aux yeux du grand public, le budget ressemble pourtant à un exercice d’équilibre réussi. Lors duquel le ministre des Finances n’a pas renié les mesures jugées bonnes de son prédécesseur. Tout en truffant néanmoins son discours d’annonces davantage politiques qu’économiques ( voir pages 8- 9) . Du coup, l’ensemble paraît décousu. Comme si tout le discours de vendredi avait été construit autour de quelques mesures « rêvées » par Pravind Jugnauth depuis quelque temps déjà.

La prouesse à réussir, semble- t- il, était donc d’intégrer toutes les annonces du ministre des Finances dans une vision globale. Et là, c’est un peu raté. La réintroduction d’abattements fi scaux, l’annulation de la « National Residential Property Tax » , la création d’un ambitieux plan d’accès au logement pour aussi bien les plus bas salaires que les ménages de la classe moyenne supérieure est une chose. Mais encore faut- il que toutes ces mesures soient parfaitement solubles dans une grande vision économique d’ensemble, susceptible de produire des résultats concrets.

Mais « Mauritian Dream » ne semble pas être le premier acte menant à l’inauguration d’une nouvelle phase de croissance économique dans le pays. Celle- ci demeurera d’ailleurs sensiblement la même – 4,2 % du Produit intérieur brut – en 2011. Parallèlement, les chances que le budget Jugnauth attire le même volume d’investissements directs étrangers en 2011 que cette année – Rs 11 milliards – sont quasi nulles. On semble bien loin du rêve chiffré de Pravind Jugnauth pour les années 2020…

La question se pose donc d’elle- même. Et si ce budget 2011 n’était qu’un outil politique visant à tourner la page Sithanen ? Une sorte de solution du milieu en attendant de trouver une vraie vision susceptible de ne pas seulement sonner juste aux oreilles des électeurs.

Mais également de déclencher les grands mécanismes économiques pouvant amener le pays sur la trajectoire de croissance de 10 %. Comme les économies les plus performantes du monde.

Il se peut bien que nous ayons écouté vendredi le brouillon du « rêve » d’un Pravind Jugnauth. Qui semble avoir eu trop peu de temps, entre mai et novembre, pour formuler sa vision et sa stratégie économiques. Si le budget 2011 obéit à une forte motivation politique, attendons donc novembre 2011 pour connaître les vraies idées économiques de Pravind Jugnauth. Entre- temps, le ministre des Finances peut se satisfaire de l’année de sursis qu’il s’est lui- même octroyée.

 

Rabin BHUJUN