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Pinocchio et le « Beau au bois de rose »

20 mai 2012, 04:50

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Pravind Jugnauth doit jubiler. Cela fait plusieurs années que le leader du MSM a été affublé de l’épithète « Pinocchio » par ses adversaires. Mais depuis quelque temps, Navin Ramgoolam menace dangereusement de lui ravir son sobriquet.


Il y a quelques semaines, l’ancien président français Nicolas Sarkozy, en visite à l’île Soeur, a affi rmé n’avoir jamais dit au Premier ministre que les Réunionnais étaient « un peuple d’assistés ». Alors que Ramgoolam avait réitéré précédemment qu’il tenait la confidence de Sarkozy lui-même. Cette semaine, le désaveu est venu, cette fois, de la région. Plus précisément de Faly Rabetrano, patron du Bureau indépendant de lutte anti-corruption (Bianco) malgache.


En répondant à une question parlementaire mardi, Ramgoolam a laissé entendre que le Bianco est en possession d’un enregistrement démontrant qu’un homme politique local est mêlé à la saisie d’une cargaison de bois de rose sur le territoire mauricien en juin 2011. Moins de 48 heures plus tard, un démenti express est arrivé de la Grande île. « Le Bianco n’est en possession d’aucun enregistrement », a corrigé Rabetrano.


La cause aurait pu être entendue et le titre de « Pinocchio » remis, avec les félicitations du jury, au Premier ministre. Mais cette histoire de bois de rose est plus compliquée qu’il n’y paraît. Déjà, la nuance du Bianco est importante. Si Rabetrano affirme ne pas être en possession d’une bande sonore, à aucun moment il ne nie l’existence de celle-ci. Allant
même jusqu’à supputer que si elle existe, elle se trouve dans les mains d’une personne « haut placée » à Madagascar.


Ce qui est certain, c’est que l’existence de cette bande est évoquée depuis fi n juin de l’année dernière. Soit, immédiatement après la saisie des six containers de bois de rose dans le port. Bien avant le 26 juillet 2011, date du départ du MSM du pouvoir, les couloirs de l’Hôtel du gouvernement bruissaient déjà de la nouvelle. Ceux qui tendent l’oreille sont étonnés de constater la candeur avec laquelle un haut responsable politique évoque l’implication d’un ministre d’alors.


Si, à l’Hôtel du gouvernement, un travailliste infl uent donne déjà l’impression de vouloir activer la descente aux enfers de l’ex-ministre, ailleurs un silence pesant et très gêné entoure les circonstances de la saisie de la cargaison de bois de rose. Un haut responsable de la Mauritius Revenue Authority (MRA), que nous interrogeons début juillet 2011, feint de ne pas connaître la vérité. Il affirme que les services des douanes locaux ont reçu « an anonymous tip-off » dénonçant la présence de bois de rose dans le port franc. Depuis, Xavier Duval a admis être le whistle-blower à l’origine de la saisie.


Au Parlement, Duval explique que ce sont ses conversations avec des responsables politiques malgaches qui l’ont conduit à mettre la MRA sur la piste des six containers de bois de rose. Mais ce qu’il ne dit pas, c’est que l’existence de la bande est clairement évoquée lors de ces conversations. C’est d’ailleurs à cause de l’identité de la personne parlant sur l’enregistrement que la Haute Autorité de transition (HAT) malgache décide d’utiliser la voie d’accès directe politique pour gérer ce dossier devenu épineux pour les deux pays.


Au-delà de tout, ce qui demeure ultra-sensible, ce sont les conditions dans lesquelles la bande a été enregistrée. En effet, la HAT d’Andry Rajoelina recourt sans scrupule à des procédés occultes – dont les écoutes téléphoniques pour surveiller aussi bien ses alliés que ses  adversaires politiques. C’est lors d’une de ces écoutes que la « Mauritian connection » du bois de rose malgache a été découverte.


Le mystère de la « non-présence » de la bande se résout donc de lui-même. En effet, un enregistrement obtenu illégalement ne peut être versé dans une procédure judicaire. Ramgoolam, qui est pourtant avocat, a oublié cet aspect juridique des règles de preuves. Une bande sonore existe… mais elle ne peut avoir d’identité et d’utilité juridique légitime. Ni à Madagascar, ni à Maurice. Cela doit sans doute aider un ancien ministre à dormir tranquille…