Publicité

Point de vérité

3 août 2010, 09:34

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Cette édition de l’express-iD engage, en page 3,la conversation avec trois historiens. Si le plus âgé d’entre eux, Guy Rouillard, va jusqu’à dire que «l’histoire devrait être vérité si elle est bien écrite», les deux autres, Jocelyn Chan Low et Satteanand Peerthum, de formation plus récente, plus plurielle également sans doute, semblent se méfi er davantage de la notion de vérité en histoire.

La seconde moitié, au moins, du XXe siècle l’a amplement répété : il n’existe pas de vérité en histoire. Il ne peut exister qu’une vérité de l’historien ou de l’historienne, une honnêteté de la démarche. Mais la vérité est à jamais enfouie, nul ne peut prétendre la connaître ; elle est quelque part, sans qu’on sache où exactement, au croisement des motivations, des croyances, des intérêts, confl ictuels au demeurant, des divers acteurs du
fait historique.

Rechercher cette illusoire vérité, c’est rendre impossible l’intérêt même pour le passé. Prenons un exemple tout proche de nous : la fiscalité des trois dernières années. S’il fallait demander à un ministre de préfacer un rapport destiné à la Banque Mondiale, il est fort probable que l’appréciation des années Sithanen serait largement tributaire de l’appartenance partisane du ministre, MSM ou Labour.

Et, dans le cas d’un rouge, ceux qui ont siégé au Cabinet lorsque furent présentées la National Residential Property Tax et celle sur les intérêts bancaires sont susceptibles d’avoir un regard différent de celui d’un nouveau venu aux affaires.

Imaginons qu’on doive écrire, dans cinquante ans, une histoire de l’introduction du métro à Maurice. La subjectivité engagée – on n’y échappe jamais – sera fort différente selon que l’historien impliqué est un fils de licencié d’une compagnie d’autobus ou la fille d’un couple de commerçants ayant connu la prospérité à travers leur échoppe dans une station de métro, etc, etc.

Il n’est pas possible de passer nos aspérités sociales ou économiques à la raboteuse pour arriver à une histoire lisse, aseptisée, prétendûment acceptable à tous. On fait valoir de multiples différences ancestrales pour justifier le fait qu’on n’étudie pas l’histoire à l’école : voilà encore la preuve que subsiste ce fantasme de vérité réconciliant toutes les différences. Une société adulte, une société «capable d’histoire» est en mesure, dans un même manuel, de confronter la vision du syndicaliste et du sucrier. Sans drame.

 

 

Gilbert AHNEE