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Pour le plaisir

8 août 2010, 05:48

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Faut-il s’offusquer du montant de la facture ? La conception ainsi que le lancement de la signature « Mauritius, c’est un plaisir » auront donc coûté un peu moins de Rs 44 millions à l’Etat .On a toutefois tendance à oublier qu’un exercice de «branding » nécessite de longs mois de travail en amont et coûte donc de l’argent. Une soirée fastueuse – dont l’objectif avoué est d’éblouir un auditoire international – ne s’organise pas non plus avec un budget finançant l’achat d’hectolitres de notre bière nationale et de quelques gâteaux-piments. Seules les personnes de mauvaise foi prétendront donc
que la facture est démesurée. Mais l’exaspération autour de cette coûteuse opération n’en est pas moins réelle. Elle est même légitime !

Le coût de l’opération n’est qu’indirectement à l’origine de la polémique. Car ce que l’on reproche réellement au gouvernement, c’est d’avoir dépensé Rs 44 millions… pour rien. Avec un retour sur investissement quasi nul. Car moins d’un an après la ronflante soirée de lancement d’octobre 2009, « Mauritius, c’est un plaisir » s’avère un échec  retentissant. Il n’a été adopté ni par nos professionnels du tourisme et encore moins
par la population.

Si vous consultez la page web de la Mauritius Tourism Promotion Authority, il vous faudra vous prévaloir d’une bonne dose de patience et d’ingéniosité avant d’arriver à débusquer la signature ainsi que son logo sur le site. Même absence sur le site et les communications officielles de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île  Maurice. De nombreux professionnels du secteur n’hésitent d’ailleurs pas à admettre que le slogan a depuis longtemps été remisé dans les tiroirs. Enfin, que dire de l’utilisation dont les Mauriciens font du slogan depuis octobre dernier ? En effet, nous sommes nombreux à conclure régulièrement une discussion tournant autour de ce qui va mal dans le pays par un sarcastique : « Maurice, c’est un plaisir »

Comment expliquer cet échec ? Le slogan serait-il né sous une mauvaise étoile ? Peut-être. Ce qui est même certain, c’est qu’il a vu le jour dans une mauvaise conjoncture. Thomas Cromwell, un des gourous mondiaux du « Nation Branding » explique dans un article  (www.eastwestcoms.com/res_why.htm) à quel point « governments must get the buy-in of all the key stakeholders » afi n de faire de ce type d’exercice un succès. L’un des exemples les plus couramment cités pour illustrer ce propos est le slogan « Incredible India » de la Grande péninsule.

Les experts aiment en effet à rappeler à quel point cette signature englobe toutes les facettes de l’Inde. Allant de sa Silicon Valley d’Hyderabad aux temples millénaires de Madurai. Le slogan n’en devient que plus crédible. Capable de susciter aussi bien l’adhésion du richissime homme d’affaires de Mumbai que du « tea boy » d’une gare ferroviaire de Delhi. En passant bien évidemment par le touriste étourdi par la coexistence d’autant d’univers dans un même pays.

A Maurice, l’équation était autre. La notion de plaisir n’était  vraisemblablement pas le premier mot venant à l’esprit d’un Mauricien pour décrire son pays en 2009. La  population, « stakeholder » essentiel du processus de branding, et théoriquement le premier ambassadeur de la marque «Mauritius, c’est un plaisir » l’a donc rejeté d’emblée. En effet, pendant que le gouvernement lui parlait de plaisir, le Mauricien était davantage préoccupé par les questions de l’emploi, du pouvoir d’achat ou de l’insécurité. Mais aussi par les effets néfastes de la crise internationale sur notre économie. Depuis octobre dernier, ce slogan était déjà condamné à une mort lente.

La question demeure toutefois. Un an après, que fait-on de «Mauritius, c’est un plaisir » ? Le bon sens voudrait qu’on le laisse mourir. Des surcoûts sur des projets   infrastructurels dans le pays se chiffrent en centaines de millions de roupies chaque année. A côté, cette bourde stratégique du gouvernement apparaît bien insignifiante. Soyons donc philosophes. Notre erreur collective a peut être été de croire que l’on pouvait dire au monde ce que nous sommes. Alors que nous n’arrivons toujours pas à défi nir précisément ce qu’est le Mauricien ! Peut-être qu’il faudrait laisser à chaque visiteur étranger le soin de nous définir. En attendant que nous sachions le faire
nous-mêmes…

Rabin BHUJUN