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Pran nou Agalega !
Les semi-intellectuels ont encore frappé. Cette fois-ci, c’est la sous-espèce indienne qui est à l’origine d’une poussée d’urticaire au gouvernement. Times of India (TOI) a annoncé cette semaine que Maurice négocie la cession de l’archipel d’ Agalega au gouvernement indien. Arvin Boolell puis le Premier ministre n’ont pas tardé à se fendre de deux démentis rageurs. Mais le mal est fait. Le doute s’installe. Insidieusement.
TOI a fait amende honorable en relayant le démenti du ministre des Affaires étrangères à l’effet que la cession d’Agalega n’a jamais été discutée dans le cadre des derniers pourparlers sur la renégociation du traité de non-double imposition entre les deux pays. Mais le plus grand quotidien indien n’a pas manqué de remarquer que les réponses de Boolell sur le sujet étaient équivoques tout en précisant que le journal « had knowledge about an earlier proposal about the Agalega Islands ». Il semble que ce « knowledge » soit partagé par plusieurs autres titres de presse indiens. Depuis 2006, TOI, The Hindu et Indian Express ont plus d’une fois évoqué un deal sur Agalega. Face à cela, la réaction locale a toujours été constante. Pendant que Boolell se disait « not aware », Navin Ramgoolam, moins calme, dénonçait « les viles attaques ainsi que la campagne insidieuse » sur « les raisons pour lesquelles [l’Inde] apporte son soutien à Maurice ».
L’agitation locale, dès que l’on évoque Agalega, contraste toutefois singulièrement avec la posture très stoïque de la diplomatie indienne sur la question. Ainsi, jamais jusqu’ici Manmohan Singh ou son ministre des Affaires étrangères, Somanahalli Mallaiah Krishna, n’ont jugé utile de confirmer ou d’infirmer clairement l’existence de telles négociations. C’est à croire que le gouvernement de la Grande péninsule prend un malin plaisir à laisser planer le doute. Avec l’aimable collaboration d’une presse indienne éminemment « patriotique » sur ce sujet.
On se prend donc à se demander si les Indiens ne jouent pas une partie de poker menteur. Dont le but serait de maintenir les Etats-Unis et la Chine sur leurs gardes face à une présence militaire indienne accrue dans l’océan Indien. Ou alors, si le grand frère n’est pas tout simplement en train d’attendre que les négociations aboutissent. En couvrant, entre-temps, celles-ci d’un voile de « plausible deniability » commode pour les deux Etats.
Même si c’est le cas, doit-on s’en offusquer ? Car après tout, de quoi parle-t-on quand on évoque Agalega ? L’archipel est le lieu de vie d’un peu moins de 300 personnes qui y cohabitent dans des conditions spartiates. Là-bas, coupés de tout, vivent quelques fonctionnaires, pêcheurs et exploitants de copra. Ainsi, la contribution d’ Agalega à l’économie mauricienne est quasi nulle.
C’est bien pourquoi dès 2004, le gouvernement d’alors avait décidé d’en tirer un bénéfice économique plus important en ouvrant l’archipel aux investisseurs. Le groupe IBL a été le premier candidat. Se proposant d’y construire « un village touristique de 15 chalets, un port de pêche, un fish fileting plant et une station de dessalement », le tout desservi par un avion de 15 à 20 places du groupe. Ce projet n’a toutefois jamais vu le jour.
D’autres projets du même type ont été évoqués avant que la piraterie ne fasse d’ Agalega un point géostratégique crucial dans cette partie de l’océan Indien. La Chine (avec les Seychelles), les Etats-Unis (à Diego Garcia) et la France (avec La Réunion) ont déjà leur pied-à-terre dans la zone. L’Inde a donc tout intérêt à ne pas se faire devancer dans la course au maintien d’une présence tactique et dissuasive.
Celle-ci ne prendra vraisemblablement pas la forme d’une base militaire « à la Diego ». Car tout comme la présence chinoise aux Seychelles n’a pas transformé l’archipel en zone militarisée, la présence indienne à Agalega ne se manifestera pas par des dizaines de mirages indiens stationnés sur l’archipel, par l’éviction de ses habitants et la présence permanente de croiseurs indiens dans nos eaux territoriales.
Agalega ne sera jamais une base militaire indienne. Elle pourrait toutefois devenir un atout dans le dispositif de défense de notre voisin. Il n’y aucune raison qui nous empêche de l’aider dans cette stratégie. Tant que le pays y gagne. Reste à négocier la contrepartie.
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