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Productivité : Pour des lendemains vraiment meilleurs (II)
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Productivité : Pour des lendemains vraiment meilleurs (II)
Tant que la «productivité» sera traitée comme un gros mot, ce pays ne pourra pas offrir ce qu’il y a de mieux à ses habitants ! Qu’on se le dise : Les gains de productivité sont importants, à terme, pour un meilleur pouvoir d’achat national et individuel. Il est donc vital de comprendre que si nous négligeons d’embrasser globalement le concept de la productivité dans nos habitudes journalières et dans tout ce que nous entreprenons nationalement, nous serons inévitablement handicapés pour faire progresser le bien-être de la population et son pouvoir d’achat. Si les syndicats et la population ne comprennent pas cela, nous n’allons pas avancer, et tout progrès ne sera qu’apparent, éphémère, fragile… Il faut aussi comprendre que l’un des moyens faciles d’augmenter la productivité, notamment de la main-d’oeuvre, c’est de licencier ! Ce qui est «artificiel» et n’arrange personne et qui a été le cas ces dernières années selon le schéma qui suit : Gain de Productivité zéro et/ou profit en baisse ->moins d’investissement ->moins d’emplois créés ET profits en baisse -> réduction de coûts -> licenciements. L’équation gagnante recherchée doit au contraire être : Pays productif -> profits en hausse -> investissement ->création d’emploi ->chômage en baisse -> meilleure rémunération.
Essayons d’expliquer un peu plus. Le pays a un Produit national brut (PNB) de Rs 374 milliards en 2013. C’est ce qui est produit par le pays qui travaille. Le bureau national des statistiques devrait faire la comptabilité du total d’heures travaillées dans le pays pendant une année (comme dans l’OECD) et établir ainsi le PNB produit par heure de travail. Plus on produit par heure de travail (ou par montant de capital engagé) plus on est productif et plus il y en a, évidemment… pour partager. On dit souvent que ce n’est pas une question de travailler plus, mais une question de travailler mieux. C’est bien vrai, mais il faut évidemment s’entendre sur ce que «travailler » veut dire ! Par exemple, dans l’OECD , le temps moyen passé à travailler par an est de 1 748 heures , mais les pays où l’on travaille le plus LONGTEMPS sont le Mexique (2 250 heures) et… la Grèce (2 038 heures), des pays qui sont, pourtant, relativement moins «riches»… Travailler plus longtemps ne veut donc pas dire travailler mieux ! Etre présent sur son lieu de travail, lire le journal, écouter la radio, boire des tasses de thé, blaguer, faire les clients attendre, empiler les dossiers et prendre son temps pour les faire avancer sont des façons de travailler qui plombent la productivité et donc la capacité d’un pays d’attirer de l’investissement et favoriser la création d’emplois plus rémunérateurs. Chaque heure de travail au Mexique en 2011 a contribué, en moyenne, 17,3 dollars au PNB. La même heure de travail en Grèce contribue 32,6 dollars de PNB. Au Royaume-Uni et en France le chiffre passe respectivement à 47,2$ et 57,7$. Aux Etats-Unis, on produit 60,2 dollars de PNB par heure travaillée. Le champion est le Luxembourg (78,2 $). On peut estimer qu’à Maurice, sur la base de 1 740 heures de travail moyennes annuelles, on produit environ 11 dollars de l’heure… (Tableau I) On ne peut évidemment pas partager plus que ce qui est produit ! Du moins, pas pour longtemps, l’emprunt ayant des limites…
Oubliant pour un moment la question de répartition de la richesse et du coefficient Gini (concepts importants certes, mais il faut commencer par produire la richesse avant de la partager !) ; dans quel pays croyez-vous que l’on paie les plus gros salaires, y compris pour les emplois manuels ou les emplois les plus humbles ? Dans les pays les plus productifs évidemment ! Ou mettons cela autrement si vous étiez obligé d’émigrer parce qu’il n’y avait plus d’emploi à Maurice, vers quel pays iriez-vous ? La Grèce ou le Luxembourg ? Si vous répondez le Luxembourg ou les Etats Unis, vous avez compris l’utilité d’une productivité supérieure…
Ce qui effraie à Maurice, c’est que par rapport à nos concurrents de marché qui progressent, nos gains de productivité sont beaucoup plus faibles. Pire ! Il semblerait que même par rapport à des économies plus mûres et plus riches, on progresse plus lentement. Ceci voudra dire que ces économies augmentent la différence de niveau de vie entre eux et nous. Cela ne ressemble pas à une formule d’avenir pour nous, parce que, ce faisant, on risque de perdre les meilleurs de nos citoyens, c.-a.-d. ceux qui ont de l’ambition ou qui entreprennent car ils seront tentés, au moins partiellement, d’émigrer vers les meilleures occasions (Tableau II).
ALORS QUOI FAIRE ?
D’abord conscientiser.
De manière totale et continue, dans tous les départements gouvernementaux et dans les entreprises, il faut enclencher une nouvelle mentalité de méritocratie et de travail mieux fait, de réduction du gaspillage, du papotage, de l’inefficace, de l’inutile et des comités qui débouchent sur pas grand-chose et qui baignent de gâteaux huileux qui bloquent les artères.
En parallèle, il faut que cessent toutes les initiatives qui nous freinent sur le plande la productivité nationale.Quelques exemples suffiront pour comprendre.D’abord les lois. Quand le Data Protection Act est interprétépar sa directrice (l’express du 29 juillet) comme ne permettant pas à une entreprise d’automatiser la collecte des données de présence et de les intégrer automatiquementdans les systèmesde paie, il s’agit d’une loimal faite qui doit être corrigée, faute de quoi les gains de productivité promis par la technologie seront ceux de nos concurrents, pas les nôtres… Le ministre du Travail l’aura compris immédiatement. Bravo !
Il y a quelques années, afin de contrer la spéculation foncière de certains étrangers, une modification fut apportée aux lois, notamment au Non Citizen Property Restriction Act afin de rendre obligatoire à toute entité légale ayant au moins un actionnaire étranger à demander la permission du PMO pour acheter de l’immobilier. Le but de cette loi est sans doute louable, mais j’en ai fait l’expérience il y a quelque temps pour une école à but non lucratif et j’ai attendu… huit mois pour la permission et six mois de plus pour compléter ! Admettant que ce soit le temps moyen pour tous les dossiers qui attendent (plutôt qu’un traitement particulier), vous voyez d’ici le coût à la productivité nationale de tous les dossiers en attente, des paiements non réglés, des développements en attente ?
Ensuite, il faut aussi parler de productivité du capital, car c’est sur ce plan en particulier que Maurice fait mal, très mal. En effet, si le taux de productivité multifactoriel national ne progresse que de 0,1 % sur les années 2007-2012, c’est qu’il cache un taux de productivité de capital… négatif (-1,% par an). Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire, plus nous achetons du matériel, des équipements, des ordinateurs, que nous construisons des bâtiments ou des routes, proportionnellement, cela ne produit rien en plus ! Ce qui veut dire que nous en avons moins pour notre argent !
Deux exemples : on informatise pour que le travail se fasse avec moins d’erreurs, plus rapidement. Mais si des budgets de capex informatique ne vont pas avec la formation et que les réseaux wifi et les serveurs ne produisent, en finalité, que des lettres qui sont plus belles et beaucoup plus de parties de Solitaire ou de visites à Facebook, vous comprendrez que le PNB n’a pas bougé !
On construit un «by-pass» à Rs 140 millions (comme celui qui, au rond-point de Phoenix, aurait dû laisser passer le trafic vers le sud, plus productivement et SANS arrêt) et à cause de quelques dizaines d’habitants de Valentina et d’un manque de planification, on le ferme et on ne l’utilise pas… environ 20 heures par jour !
Si un projet de Rs 4 milliards qui est estimé prendre un an, en prend finalement deux et finit par coûter
Rs 6 milliards pour le même «gain PNB» projeté au départ, il y a évidemment un impact sérieux en termes de productivité ! Si notre voisin reste dans le coût projeté et prend, par contre, 10 mois à concrétiser, quel pays, croyez-vous, est en meilleure forme pour créer de l’emploi et faire progresser les salaires ?
Finalement quelques exemples de productivité ratée ou pas, de nature plus générale qui illustrent qu’il faut aussi faire reculer ce qui va à l’encontre de la productivité : La CNT est la moins productive des compagnies de transport publiques et elle perd de l’argent. Pour régler SES problèmes à elle, on augmente SES salaires et puis l’on augmente les salaires et le coût du ticket d’autobus de TOUTE l’industrie du transport du pays ! Et vlan ! (à la productivité nationale…)
Vous allez sur un site internet et un clip de 30 minutes prend deux heures pour être «downloadé» ou un document de 6.9MB (par exemple le rapport annuel de la Mauritius PortsAuthority) n’est livré qu’à hauteur de 330 KB au bout de 5 minutes (il faudra 27 minutes pour le tout !)
L’industrie sucrière propose de payer mieux en contrepartie de la flexibilité d’une production continue (24/7) pendant la coupe et les syndicalistes, typiquement, parlent de «retour à l’esclavage» ! Pourtant, ce n’est pas l’employé qui est invité à travailler 7 jours sur 7, 24 heures d’affi ée, mais… l’usine, ce qui résulterait en des gains d’efficience et donc de la marge de manoeuvre de payer plus aux employés ! De plus les heures supplémentaires se paieront toujours au double et au triple selon la loi. Pourquoi ne pas demander, plutôt à l’employé lui-même son avis? Peut-être que lui, véritable travailleur souhaitant progresser, comprendra mieux la relation entre productivité et rémunération et saura y trouver son compte !
Le paiement de la taxe de la MRA grâce à l’internet banking a beaucoup amélioré l’efficience de collecte de cette ponction fiscale et doit être salué, comme doit l’être l’initiative du Registrar de faire payer les Registrationfees des compagnies en ligne. La bataille sera vraiment gagnée quand toutes les licences, toutes les amendes (pensez aux Rs 1,3 M détournées à la prison !) etc., pourront être réglées électroniquement.
Ce que je vous souhaite désormais dans votre vie de tous les jours, c’est de reconnaître ce qui doit être changé en termes de productivité, chez vous, au travail, dans les services que vous utilisez et de prendre l’initiative qu’il faut pour que cela se passe effectivement. Il y va de notre avenir et de celui de nos enfants ! L’alternative est de piétiner, de patauger et de jalouser.
Lire la première partie de ce dossier
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