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Quand Mc Donald’s sera végétarien
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Quand Mc Donald’s sera végétarien
Il y a une différence entre « tolérance » et « compréhension » . Le problème du moment, c’est qu’on ne se comprend toujours pas. Tout en se tolérant de moins en moins. Si le climat social est instable, c’est parce que l’un des fondements même de notre capacité à vivre ensemble – la paix interreligieuse – semble dangereusement menacée depuis quelques semaines.
Seuls les myopes croiront toutefois que c’est le litige opposant Iskcon à Mc Donald’s qui est la cause profonde du sentiment d’intolérance qui s’installe de part et d’autre de certains clivages. Le problème est ailleurs. Il faut en analyser les causes. En commençant par préciser que le confl it Iskcon/ Mc Donald’s ne soulève nullement une question de laïcité. Les autorités locales ont octroyé un permis à Mc Donald’s en sachant pertinemment que l’enseigne de fast food allait opérer en face d’un centre religieux. Cette décision administrative dénote une approche foncièrement laïque des pouvoirs publics. Venons- en donc au coeur du problème… C’est le mode d’exercice du pouvoir politique et la manière dont ce dernier gère ses accointances « religio- ethniques » qui est en cause. Fin mars 2010, le Premier ministre fait un choix. En décidant de s’allier avec le MSM, le patron du Parti travailliste ne pouvait prétendre ignorer l’image qu’il allait projeter auprès de la population.
Malgré les « cinq sous » du PMSD au sein de la roupie de l’Alliance de l’avenir de Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth.
Près d’un an après les élections législatives, Xavier Duval et son parti demeurent quantité négligeable dans un gouvernement perçu comme étant d’abord proche d’un électorat traditionnel, rural et conservateur.
Ce qui n’est en rien un handicap. Ramgoolam – un homme que l’on ne peut accuser de tropisme ethnique – aurait pu, à travers ses actions et sa posture, susciter l’adhésion de toute la population.
Le Premier ministre a toutefois échoué. C’est en effet l’image d’une personne emmaillotée par les lobbys socioculturels qu’il projette. Ces organisations, au fi l des années, se sont transformées en des chiens de garde. Dont la tâche est de voler au secours du maître au moindre pépin. Une fi délité dûment récompensée par des contrats ici ou des postes à responsabilité là. Cette promiscuité a achevé de convaincre une partie de la population – située du mauvais côté de la barrière ethnique – de l’existence d’un pacte tacite d’entraide entre le pouvoir et des « représentants » de cette majorité censée être servie en priorité.
L’autre échec, c’est l’impression que donne le pouvoir d’être à son propre service. Même si le rachat de la clinique Medpoint par l’Etat se révèle être une opération parfaitement légale, de sérieuses réserves sur les dimensions éthiques et morales du deal perdureront. En effet, il y a quelque chose d’inconcevable dans le fait que l’émetteur et le bénéfi ciaire du chèque dans cette transaction fassent partie de la même famille. Peu importe s’ils se parlent ou pas ! Les réponses expéditives et l’attitude belliqueuse des responsables de cette transaction font planer une perception d’impunité et de « unaccountability » autour des familles régnantes.
Que le silence de Ramgoolam sur le sujet n’arrange en rien. Si l’on ajoute à cela les jérémiades répétées du PMSD, l’on se retrouve avec un tableau particulier. Dans lequel le pouvoir semble être exercé par un cartel d’intérêts qui ne semble avoir nul besoin de quelques « cinq sous » pour donner le change par rapport à ses actions et décisions… aussi controversables soient- elles.
C’est dans ce contexte précis que survient l’affaire opposant Iskcon à Mc Donald’s. C’est dans ce climat que des religieux, les Hare Rama Hare Krishna, d’ordinaire pacifi ques, appuyés par des nervis habitués aux épreuves de force, se sont crus autorisés à imposer leurs préférences alimentaires à d’autres. Tandis que dans le camp d’en face, des commentaires irrespectueux voire insultants envers les philosophies religieuses passent désormais pour être parfaitement acceptables. Une attitude ouvertement intolérante rarissime dans le pays.
Toutefois, il ne faut pas se tromper de cible, ni de responsables.
La cible n’est pas Iskcon. Les responsables ne sont pas non plus ceux qui s’amusent à dire sur Facebook et des blogs qu’ils vont se faire un devoir de manger deux fois plus de vaches qu’auparavant.
Histoire de provoquer davantage les Hare Krishna. En effet, l’enjeu de cette surenchère n’est pas de faire s’entredéchirer la population majoritaire du pays et une minorité qui se considère injustement oubliée par le pouvoir politique. Il y a autre chose.
L’on peut penser que l’escalade continuera jusqu’à ce que le gouvernement prenne position. En faveur d’une partie ou de l’autre.
Dans les deux cas, il sera alors temps de lui réclamer des comptes.
Si le pouvoir choisit de privilégier la position de Mc Donald’s, il sera alors demandé à Ramgoolam d’expliquer son silence autour du rachat de Medpoint. Si c’est à Iskcon qu’il apporte son soutien, Ramgoolam aura alors à dire si oui ou non la religion majoritaire du pays a vocation à déterminer les conditions dans lesquelles s’exercent les libertés des autres groupes à Maurice.
Nous ne sommes pas à Tunis, ni au Caire. A Maurice les citoyens ont choisi de pousser le pouvoir jusque dans ses derniers retranchements. Ils attendent une réponse. Ce n’est qu’ensuite qu’ils se décideront à émuler les Tunisiens ou les Egyptiens. Si la réponse de Ramgoolam les satisfait, par contre, ils redécouvriront sans doute tout le sens du mot « tolérance » . En attendant, un jour, de pouvoir vraiment se comprendre…
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