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Que dirons-nous ?
L''hypocrisie doit cesser. Il est temps que l’on essaye de changer ce qui peut encore l’être dans notre pays.
Dimanche dernier, le ministre Mookhesswur Choonee a démontré bien malgré lui à quel point il est facile de diviser notre société. En effet, dans son discours, il dit clairement que certains citoyens de la République on davantage de droits que les autres. Sans s’en rendre compte, il a nuit, dans une certaine mesure, à la paix interethnique du pays.
Au nom de logiques castéistes, mais aussi à cause de la pression des organisations socioculturelles, le Premier ministre Navin Ramgoolam ne sanctionnera pas Choonee. Il conservera donc son ministère pour le moment. Cet épisode met en lumière tout ce que l’on ne peut pas changer dans notre société. Tout ce que nous ne pouvons changer…pour le moment.
Ailleurs, toutefois, les évolutions sont notables. Un jour après la bourde de Choonee, son collègue Vasant Bunwaree a, lui, montré l’exemple. En annonçant, lundi, que notre langue, le moricien, fera son entrée à l’école. La langue maternelle de nos enfants leur sera bientôt enseignée. Ce grand pas en avant démontre la vision progressiste du ministre de l’éducation. Mais aussi sa volonté de ne pas laisser des lobbys lui dicter sa conduite. Ceux-ci refusent de dévoiler leurs intérêts. S’ils sont hostiles à l’enseignement du morisien, c’est parce qu’ils pensent que cela les met en danger. Et menace leur culture. Rien de plus faux !
Lors de l’annonce, Bunwaree a posé une question très intéressante. Il s’est interrogé sur l’opportunité d’utiliser le mot « morisien » au lieu de « kreol morisien. » Un terme qui donne à notre langue nationale une connotation ethnique.
Les lecteurs de l’express-dimanche savent que nous privilégions le morisien. Car il renvoie au fait que cette langue est parlée de tous à Maurice. Nous ne pouvons donc que soutenir le ministre Bunwaree s’il choisit d’aller dans cette direction.
A la suite de l’épisode Choonee, nous avons constaté avec quelle facilité nous pouvons diviser le pays. Nous devons désormais faire de notre langue nationale un facteur d’unification et d’apaisement dans notre société. Et non une énième raison de divergences entre citoyens.
Il y a un an, la Fédération des Créoles Mauriciens réclama l’enseignement du « Kreol morisien » dans les écoles. D’abord parce que c’est « la langue ancestrale des créoles » et seulement ensuite « la langue maternelle et de communication de tous les Mauriciens. » La FCM n’avait également pas manqué de dire que cette langue est un « droit linguistique et culturel » des « enfants créoles ». Nous ne pouvons être d’accord avec cette approche. Le Premier ministre et le gouvernement de ce pays n’appartiennent pas en priorité à une caste ou une communauté. Par analogie, notre langue nationale ne peut appartenir prioritairement à une communauté.
La question des langues a été totalement politisée et ethnicisée à Maurice. Désormais, chaque ethnie et communauté du pays est propriétaire de son « speaking union ». Le gouvernement pourra dire le contraire, mais sa politique de morcellement de nos identités linguistiques n’aide pas au « Nation Building ». La preuve : un Manoj s’intéresse-t-il aux activités de la « Urdu Speaking Union » ? Une Alexandra aura-t-elle envie d’être membre actif de la « Tamil Speaking Union » ? Non.
Nos gouvernements successifs, obnubilés par leur besoin de plaire à chaque groupe, n’ont jamais songé à créer un unique Institut National des Langues. Pourtant c’est la solution qui paraît la plus censée. Les gouvernements ne l’ont pas fait parce qu’ils ont privilégié l’approche clientéliste. Donnant à chaque groupe un peu de pouvoir afin d’acheter leur silence. Mais il est désormais temps que le pouvoir montre l’exemple en appelant notre langue nationale le morisien. Cela constituera un signal fort qui va aider à dédramatiser et desethniciser notre relation avec les langues.
Le pays traverse une phase cruciale de son développement économique. Nous nous sommes suffisamment flattés d’être bilingue français/anglais. Mais cela ne suffit plus ! Notre avenir économique se trouve en Chine, en Inde et dans le bloc de l’Est. Il nous faut donc imaginer à quel point il serait bénéfique que nous apprenions leurs langues.
Un François apprenant le hindi à l’école, puis au collège et à l’université pourrait demain devenir l’agent de liaison du groupe indien Tata à Maurice. Tout comme un petit Ejaz pourrait devenir un redoutable négociateur commercial d’un grand groupe Mauricien faisant du commerce avec la Chine. Si toutefois, les mentalités actuelles persistent, seule une Meilan ira apprendre le mandarin. Et Sarital le hindi. Si les revendications ethniques l’emportent, demain seul Jason ira apprendre le « Kreol Morisien » Il serait désolant qu’on en arrive là !
La balle est désormais dans le camp du gouvernement. Il doit décider du signal qu’il enverra. Les pessimistes diront que les lobbys et pressions ethniques sont puissants. Que donc, ils gagneront. Mais nous préférons nous placer résolument dans le camp des optimistes…
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