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A quel prix !
Pour un chef de famille, les tenants et aboutissants du taux de l’infl ation importent peu. L’évaluation du coût de la vie, il l’effectue lui- même. En comparant d’un mois sur l’autre la valeur de la facture alimentaire et énergétique qu’il arrive à payer avec son salaire. Ce que la grogne ambiante – relayée par des syndicats, associations de consommateurs et le citoyen lambda – nous apprend donc, c’est que les fi ns de mois deviennent de plus en plus diffi ciles.
Surtout pour les revenus moyens et faibles. Face à ce problème, les pouvoirs publics prétendent donner le change. Ce n’est pas si facile. Il faut le dire aux consommateurs.
A tour de rôle, Michael Sik Yuen et Showkutally Soodhun ont expliqué que si le besoin s’en fait sentir, le gouvernement réintroduira le contrôle des prix sur certaines denrées de base afi• de circonscrire la fl ambée du coût de la vie. Le ministre de la Protection des consommateurs et son collègue du Commerce semblent oublier que la précédente tentative – sur le lait – a lamentablement échoué. A l’avenir, les mêmes causes produiront les mêmes effets.
S’obstiner à vouloir contrôler les prix, c’est méconnaître les mécanismes en jeu dans notre économie. Il ne s’agit pas de défendre aveuglément le principe des prix libres. Mais plutôt d’expliquer pourquoi leur contrôle s’avère problématique.
Pour cela, il faut commencer par le factuel : l’importation ou la fabrication d’un certain nombre de produits – lait, poulet, grains secs par exemple – est la chasse gardée d’un petit nombre d’opérateurs économiques. Qui ont tous un lien quasi- organique avec les grandes et moyennes chaînes de distribution.
Parce qu’elles contrôlent l’essentiel du volume de l’alimentaire vendu dans le pays, ces chaînes imposent leurs prix d’achat aux fournisseurs. Si les autorités s’acharnent à vouloir fi xer les prix ou déterminer un taux de marge maximal, les grandes chaînes réagiront. Notamment en obligeant les fournisseurs à les approvisionner à des prix plancher afi• de rester compétitifs dans les paramètres de marge et de prix imposés par le gouvernement.
Certains fournisseurs pourront rentrer dans cette logique en rognant sur leurs marges et en misant sur le volume vendu aux distributeurs pour dégager des bénéfi ces soutenus. D’autres, toutefois, trop petits ou mal structurés, devront fermer boutique.
Incapables qu’ils sont à produire ou importer à moins cher.
Conséquence : un marché moins compétitif, contrôlé par moins de producteurs/ importateurs. Autant pour le choix du consommateur ! Une autre conséquence est également prévisible. Ne pouvant dégager de grosses marges sur les denrées vendues en gros volume, les distributeurs tenteront de faire du chiffre à partir des produits dont les prix ne sont pas réglementés.
La marge perdue sur un sachet de lait ici, sera ainsi rattrapée ailleurs, sur un déodorant, des glaces ou des serviettes de table.
Le prix d’un caddy bien rempli au supermarché pourrait ainsi rester sensiblement le même malgré le contrôle des prix. Ou alors – ce n’est pas exclu – coûter plus cher au consommateur.
Qu’à cela ne tienne, en attendant de contrôler les prix, le gouvernement entend les placer sous surveillance. Grâce à la mise en place d’un observatoire des prix. Le raisonnement du ministre Sik Yuen est simple, pour ne pas dire simpliste. En publiant un relevé régulier d’un caddy- type de produits de grande consommation, l’observatoire amènera les consommateurs à aller faire leurs courses dans les enseignes les plus compétitives.
Encore une fois cela pose un double problème. D’abord, ce système exclut de facto les petits commerces. Le « laboutik sinwa » du coin, déjà incapable de demander des prix compétitifs à son fournisseur, aura de plus en plus de mal à vendre une palette complète de produits. Et deviendra inexorablement un vendeur de petites bricoles… à défaut de disparaître.
Ce système concentrera davantage la clientèle vers trois ou quatre grosses enseignes qui fonctionneront selon un nouveau paradigme. Il s’agira d’être ultra- compétitif sur tous les produits rentrant dans le caddy afi• d’obtenir les bonnes notes de l’observatoire. Pour ensuite faire en sorte que tous les produits non essentiels soient frappés de la marge la plus élevée.
La clientèle, attirée par les bons soins de la publicité gratuite faite par l’observatoire des prix, reviendra tous les mois acheter le poulet vendu à prix volontairement et perpétuellement cassé.
Mais elle repartira avec de la glace ou des serviettes en papier vendues presque plus cher que dans la petite épicerie du coin.
C’est à se demander si ces mesures, si elles sont adoptées par les pouvoirs publics, ne devraient pas bénéfi cier d’un nouveau label : « Sponsorisé par la grande distribution locale » !
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