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Réglez vos comptes

6 juin 2010, 05:32

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Vous leur confi ez régulièrement votre vote et votre argent. Vous êtes donc nombreux à vouloir savoir ce que les élus de la République et les ministres du gouvernement en font. Vous pourriez exercer votre droit de regard lors d’un entretien avec un député ou un ministre. Durant lequel vous lui sommeriez de vous expliquer son action politique tout en lui demandant de vous dire pourquoi il n’a pas tenu telle promesse ou poursuivi telle action. Vous pourriez également exiger de lui qu’il vous expose comment a été dépensé l’argent que vous – et des centaines de milliers d’autres Mauriciens – avez reversé à l’Etat sous forme d’impôts, taxes et droit de douanes. Vous pourriez solliciter un tel entretien. Mais il y a peu de chances que celui-ci ait lieu.

Alors comment demander autrement des comptes à ceux que vous avez installés à la direction du pays ? Les plus naïfs d’entre vous diront qu’il suffi t de regarder la MBC pour savoir tout sur ce que fait ou ne fait pas le gouvernement. Le hic, c’est que la radiotélévision nationale ne donne, depuis des lustres, que la version officielle des choses. S’il fallait compter sur elle, vous ne sauriez rien des scandales qui secouent les gouvernements. Ou des gaspillages faramineux dont ils se rendent parfois coupables. Et encore moins des dérapages et turpitudes des dirigeants politiques.

Reste la presse libre et ses journalistes. Ce sont ces derniers qui posent les questions embarrassantes au pouvoir. Qui remettent en cause le bien-fondé de telle ou telle politique gouvernementale. Qui, dans certains cas, identifient et dénoncent des inégalités sociales ignorées des autorités publiques. Les journalistes, dans une démocratie opérante, agissent ainsi comme de véritables gardiens de l’intérêt général. Des relais essentiels qui permettent aux citoyens de demander et d’obtenir des comptes de l’Etat.

Ne nous y trompons pas. Notre droit reconnaît toute la palette des fonctions du journaliste. Ainsi, la Newspapers and Periodicals Workers Remuneration Order (R.O) de 2001 identifi e explicitement les « duties » du journaliste. « Interviewing persons, attending public functions and seeking information from other sources concerning his subject of interest; writing reports and commentaries, interpreting the facts to give a personal assessment of their causes, consequences and likely implications… »

La description qui est faite de la fonction du journaliste correspond assez rigoureusement à la manière dont les journalistes et éditorialistes du groupe La Sentinelle exercent leur métier. Les définitions contenues dans ce R.O tendent ainsi à démontrer que notre Etat reconnaît implicitement le droit à l’information de ses citoyens. Chargeant, au passage, les journalistes d’exercer l’un des métiers permettant aux citoyens de jouir de ce droit.

Mais n’est pas journaliste qui veut. Avant d’obtenir sa carte de presse, toute personne fait l’objet d’une enquête de voisinage. Son casier judiciaire est consulté. Si aucune anomalie n’est détectée, elle devient l’« accredited representative » d’un journal. Un statut certifi é par le Directeur des « Information Services » du bureau du Premier ministre. Toutefois,
même après l’obtention de sa carte de presse, le journaliste n’est nullement « ex lex ». Il est ainsi redevable devant les tribunaux si jamais il dit ou publie des propos diffamatoires ou séditieux par exemple.

Ayant rappelé ces faits, revenons donc au refus du ministre des Finances d’autoriser  l’accès à sa conférence de presse à des journalistes du groupe La Sentinelle. Ainsi qu’à l’attitude de certains ministres, dont Maya Hanoomanjee et Sheila Bappoo, qui ont décidé de ne plus parler à certains journalistes dont ceux de Radio One.

Deux choses ressortent de ces postures. D’abord l’illégalité de telles initiatives. En effet, les journalistes de La Sentinelle sont détenteurs de cartes de presse. Ce qui leur confère le droit d’exercer leur métier tel qu’il est décrit dans le R.O. Par ailleurs, les empêcher de travailler librement revient aussi à enfreindre le droit à l’information des lecteurs et auditeurs des titres du groupe de presse. Ce ne sont là que des faits. Ils sont têtus. Pravind Jugnauth et son patron Navin Ramgoolam vont-ils l’être davantage. En essayant de justifier un boycott injustifiable ?