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Ramgoolam a raison
Qu’on se le dise, le Premier ministre est dans le vrai quand il affi rme « que les experts n’ont pas forcément raison » . Si ce n’était pas le cas, la bombe malthusienne locale, « découverte » par Richard Titmuss, il y a un peu plus de 50 ans, aurait déjà explosé. Si les experts ne se trompaient jamais, l’Etat aurait également fait banqueroute depuis des décennies. A cause de son incapacité à fi nancer l’éducation et les services de santé gratuits. C’est donc faire un faux procès à Navin Ramgoolam que de lui reprocher sa déclaration de mercredi dernier, lors de l’inauguration du nouveau campus du Charles Telfair Institute . Il ne faut pas non plus se laisser aller à penser que le chef du gouvernement dédaigne les experts, surtout étrangers.
Durant ses trois mandats, il a largement démontré son goût prononcé pour les spécialistes venus d’ailleurs. David Shattock a été son conseiller spécial en matière de réorganisation de la police. Andrew Scott, le cornaque depuis plusieurs années sur son action économique. Geoffrey Robertson, éminent juriste britannique, a, lui, été chargé par Ramgoolam de soumettre des propositions de réforme dans notre droit de la presse.
La cause est donc entendue. Ramgoolam ne fait pas confi ance aux experts – entre autres – mais s’en entoure à profusion. Contradictoire, tout cela ? Pas du tout. Pour se justifi er, il explique que les technocrates ont trop tendance à ne « regarder les choses qu’en termes de roupies et de sous » . En effet, si l’on écoutait les spécialistes du Fonds monétaire international, par exemple, le taux de la TVA grimperait au- delà des 15 % actuels et certaines subventions sur les denrées de base ou le gaz disparaîtraient illico. Améliorant considérablement, au passage, l’état de nos fi nances publiques.
Si les experts se préoccupent, eux, des aspects techniques et économiques, c’est la vision à long terme qui doit monopoliser l’attention d’un Premier ministre. « Les leaders doivent montrer la voie et non suivre celle des autres » , soutient ainsi Ramgoolam. A son crédit, on doit admettre qu’il l’a démontré en faisant arrêter les travaux de l’autoroute traversant la vallée de Ferney, peu après son arrivée au pouvoir en 2005.
Même si cette décision a coûté des dizaines de millions de roupies à l’Etat.
Un leader aussi brillant soit- il, ne peut toutefois se permettre de se prévaloir de sa seule vision pour diriger un pays. Encore faut- il qu’il prenne les bonnes décisions au moment propice pour traduire sa politique dans la réalité. Si le choix d’arrêter les travaux dans la vallée de Ferney a été mûri en l’espace de quelques semaines, d’autres arbitrages – autrement ou tout aussi importants – sont en suspens depuis trop longtemps.
Si à l’échelle des temps géologiques, une année équivaut à moins d’une micro- seconde, à l’échelle d’un mandat de cinq ans, cette même période représente une éternité. Et l’éternité coûte cher ! Dans le cas du métro léger, dix années de tergiversations ont fait doubler le prix du projet. Estimé dernièrement entre 10 et 15 milliards de roupies.
Depuis sa visite à Singapour, en septembre dernier, le Premier ministre semble avoir résolument inclus le métro léger dans sa vision. Mais même si celle- ci est désormais claire, l’on ne peut s’empêcher de se demander le nombre d’années – et de milliards de surcoût – qui s’écouleront entre l’énoncé de la vision et sa concrétisation. Car la capacité de Ramgoolam à avoir une vision n’a d’égale que l’inertie dont il fait preuve au moment de la traduire dans la réalité.
L’ Equal Opportunities Act , annoncée dans le manifeste électoral du Parti travailliste en 2005, n’a été votée que trois ans plus tard. A ce jour, elle ne sert à rien. Car les personnes chargées de l’appliquer n’ont pas encore été nommées… par le Premier ministre. Depuis 2008, Ramgoolam a présenté le projet Maurice Ile Durable ( MID) comme la pierre angulaire du développement futur du pays. Trois ans après, le projet vivote. Non pas par manque de moyens fi nanciers, mais parce que le Premier ministre ne juge toujours pas utile de passer à la vitesse supérieure. En donnant, par exemple, personnellement l’impulsion afi n qu’une vraie feuille de route soit établie lors d’une sorte de Grenelle de l’Environnement local.
La vision, sans la capacité de la traduire dans la réalité, n’a que peu de valeur. Le Premier ministre doit le savoir. Dans sa sagesse, il pourrait même songer à s’inspirer de ceux qui ne perdent aucun temps à concrétiser une vision. Pravind Jugnauth et Maya Hanoomanjee ont, peut- être, quelques conseils à lui prodiguer à ce sujet. En tant que ministres des Finances et de la Santé, n’ont- ils pas fait en sorte que l’ambition du Premier ministre de construire un hôpital gériatrique dans le pays soit concrétisée en à peine plus de six mois ? Pour la modique somme de Rs 144 millions !
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