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Rodrigues mérite mieux
Moi d’abord. Mon île ensuite. Depuis les six derniers mois, Johnson Roussety et Nicolas Von-Mally se sont illustrés par la ridicule confrontation à laquelle ils se livrent. La démission du Chef commissaire ne signifie en rien la fi n de la guerre. Pire, celle-ci va même redoubler d’intensité avec la création du parti de Roussety. Dont l’une des idées (stupides) est larevendication de l’indépendance de Rodrigues. Ce cinéma est obscène. Surtout quand on connaît les nombreux défis qui guettent la cendrillon des Mascareignes. Il est utile de les rappeler.
Si à Maurice la question de la gestion de l’eau occupe les esprits qu’en période de grande sécheresse, à Rodrigues, le problème est quotidien et critique. Au fi l des années, l’île bénéficie d’une pluviométrie réduite. Tandis que la population rodriguaise croît deux fois plus vite que celle de Maurice à en croire les derniers rapports du Central Statistics Office (CSO). Or, aucun grand projet de barrage n’a encore été mis en chantier dans l’île. Une meilleure coordination – et surtout une meilleure entente - entre le gouvernement de la République et les autorités régionales aurait sans doute contribué à expédier les projets de barrages, dont celui d’Anse Raffin. Mais dans les querelles d’ego, la raison n’a pas sa place.
Rodrigues en 2011, c’est également un climat social qui n’est plus au beau fixe. Les travailleurs sociaux qui arpentent l’île affirment ainsi que la prévalence du phénomène de filles-mères est inquiétante. La délinquance juvénile a connu « une hausse significative » selon le rapport d’août 2010 du CSO. Ce même document nous apprend que le taux de criminalité a augmenté à Rodrigues (+10 %) en 2009 alors que Maurice enregistrait une chute de 8 %.
A ces statistiques, il faut ajouter un autre élément d’un cocktail explosif. Soit le nombre important de Rodriguais vivant sous le seuil de la pauvreté. Pourtant, allez trouver des déclarations de politiques générales ou des initiatives locales importantes de Roussety ou de Von-Mally à ce sujet. Vous chercherez pendant longtemps.
Les associations luttant pour la préservation de l’environnement sont unanimes : le lagon de Rodrigues est en partie mort. Une affirmation facilement vérifiable dans les restaurants de Port-Mathurin. N’importe quel gérant expliquera en effet à qui veut l’entendre que les « ourites » (poulpes) se font de plus en plus rares dans les lagons. Au point où l’on s’entend parfois dire « pena » quand on commande une salade d’ourite dans un restaurant rodriguais.
Chaque dirigeant politique local a tour à tour instrumentalisé la communauté des pêcheurs. En ne leur disant pas la vérité : la nécessité d’un arrêt total de la pêche dans certains lagons de l’île. A la place, Roussety, Von-Mally et d’autres ont montré du doigt le gouvernement ou des présumés traîtres dans leurs propres rangs. Quand ils auraient pu, à la place, faire fonctionner les courroies de transmission nécessaires entre l’assemblée régionale, le Parlement et le gouvernement afin que les pêcheurs rodriguais gèrent au mieux les ressources halieutiques de leur île.
Roussety et Von-Mally ne devraient pas non plus s’y méprendre. Le secteur du tourisme rodriguais, même s’il a connu une fin d’année faste, n’est certainement pas à l’abri d’une conjoncture difficile qui mettrait en péril des centaines d’emplois liés au tourisme dans l’île. Incapables de travailler ensemble, le ministre de Rodrigues et le Chef commissaire n’ont pas été en mesure d’ébaucher un plan pour promouvoir le tourisme à Rodrigues à travers sa spécificité et son charme. Voilà un secteur où le marketing de Rodrigues gagnerait à s’émanciper de celui de la destination Maurice.
Toutes ces questions disparates, mal gérées par deux hommes en guerre, n’ont en rien aidé à solutionner le plus gros problème que connaît Rodrigues depuis ces quelques dernières années : le phénomène d’exode vers Maurice. C’est en effet la juxtaposition des problèmes que nous évoquons qui mène de nombreux Rodriguais à venir tenter leur chance à Maurice. Or, les travailleurs sociaux confi rment que bon nombre de ces personnes se retrouvent dans des situations de précarité extrême. Pour ensuite sombrer, parfois, dans la délinquance.
C’est dire que l’irresponsabilité des dirigeants politiques a des conséquences pour tous les citoyens de la République. Le salut de Rodrigues semble ainsi passer par l’installation à sa tête d’une nouvelle classe de dirigeants politiques responsables. Les Von-Mally et Roussety ont fait leur temps…
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