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Sage Message
Sage message
Dans les conversations ou les discours, dans la presse ou sur les estrades, à chaque 12 mars revient la même thématique : l’unité nationale. Un observateur extérieur s’en étonnerait ; à 41 ans, cette nation ne devrait plus avoir de doute sur le fait qu’elle en est une. Pourtant, nous estimons nécessaire d’entendre dire que le ciment qui nous unit fait notre force, que nous devons veiller à ce qu’il tienne afin de poursuivre harmonieusement notre développement. Cette profession de foi, cette sorte de « Yes We Can », toute redondante qu’elle puisse parfois sembler, nous rassure. Il a donc semblé étrange que le chef d’Etat ne fasse aucune référence à la construction de la nation cette année.
Sir Anerood ne déroge jamais à l’appel à l’unité. Dans ses deux précédents Messages du 12 mars du moins, ses propos étaient émaillés des mots solidarité, partage, respect, tolérance. L’an dernier, se faisant sans doute l’écho des disciples de Grégoire, il avait revendiqué avec force la nécessaire égalité des chances sur le lieu de travail, dans les recrutements et les promotions, à l’école, devant la justice. « Ki personne pa souffer et penalise parski li differan », avait-il dit. L’année précédente, il mettait en garde contre les « forces rétrogrades » qui sèment la division au sein de la population, appelant celle-ci à la vigilance.
Au-delà du 12 mars, toute fête culturelle est l’occasion pour lui de souligner l’importance de cette valeur. Au dernier Eid, il nous laissait la belle formule « in the past, it took a village to raise a child », expliquant que c’est toute la société, dans sa diversité, qui apprend à chaque enfant la citoyenneté. A Noël, il rappelait que « divan la krise na pena race, kouler, kominote, relizion ». Au pied du Morne, le mois dernier, il se réjouissait de l’arrivée de l’« Equal Opportunity Act », déclarant : « Nou bizin heureux qui nou pe viv dan enn pei kosmopolit, tou relizion ek kiltir pe kohabite dan lape ek larmoni. »
Mais peut-être après tout l’absence de toute mention à l’unité, cette année, est-elle anodine… Peut-être le léger malaise qu’il nous cause est-il infondé… Peut-être la crise économique, sur laquelle sir Anerood s’appesantit, était-elle un sujet autrement plus important cette année… Il reste que, pour plusieurs raisons, une piqûre de rappel en ce 12 mars 2009 était bel et bien nécessaire.
D’abord, comme hier, des faits récents de l’actualité appelaient une remise en orbite de notre devoir civique. Nous sortons d’une élection assez peu flatteuse pour la démocratie, une élection qui a fait émerger une réalité que l’on croyait enfouie, une élection qui nous a assené un fait : pour une très grande partie de la population, un Bérenger parce qu’il n’est pas hindou ne peut être Premier ministre de cette République. Une élection qui a vu, en outre, le rapprochement de partis ayant le même bassin d’électeurs, ce qui pourrait risquer de bouleverser l’équilibre social. N’était-il pas utile alors de remettre en garde contre les forces rétrogrades, de rappeler que « san okenn distinksyon de races » tous ont droit aux mêmes chances dans ce pays, que « linite nasyonal na pa zis enn slogan me enn mode de vie morisien », comme le disait l’an dernier sir Anerood ? Etait-ce trop lui demander ?
C’était d’autant plus souhaitable qu’un nuage de suspicion flotte sur la présidence depuis cette campagne où on a reproché au président de soutenir son fils contre Bérenger. Il aurait pu saisir l’occasion de réaffirmer l’objectivité qui caractérise ses responsabilités en rappelant les conditions de l’équilibre social. En choisissant plutôt, dans ce discours, de se montrer très élogieux à l’égard des réalisations gouvernementales, la pension de vieillesse, le projet Maurice Ile Durable, la loi sur l’alcool et le tabac, le transport gratuit, ce n’est pas ce qu’il fait.
Père de la République, le chef d’Etat doit faire vivre les principes qui fondent la Nation, l’unité, la démocratie, mais aussi son corollaire, la liberté d’expression. Nous avions aussi besoin d’entendre qu’il respecte cette valeur que le Premier ministre, lui, ne respecte pas. Dans son discours dimanche dernier à Triolet, Navin Ramgoolam a poussé la population à se lever contre une presse qui la prend pour « couillon », à qui il reproche de colporter des « faussetés », de porter des visières dans le seul but de créer la division. Non seulement ce sont de la fabulation mais le Premier ministre, ce faux démocrate, se rend coupable d’incitation à la violence. L’agression d’un photographe de presse n’est que le résultat de ses propos extrêmes.
Nous nous refusons d’insinuer que le discours du chef d’Etat puisse être dicté par d’autres intérêts que ceux de la Nation. Sir Anerood Jugnauth est trop respectueux des institutions et du pays pour cela. Mais il sait que le 12 mars est le moment où la présidence prend toute sa dimension parce qu’elle est gardienne de notre vivre-ensemble. Il faut alors redire sans cesse la foi en la nation. Jusqu’à ce qu’elle soit assez mature pour ne plus recevoir de leçon.
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