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Si Zuckerberg était mauricien...

12 juin 2011, 03:28

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Derrière le sourire angélique, un redoutable hacker. Ankit Fadia, qui était en visite chez nous cette semaine (voir page 26), aurait pu faire partie de ces individus dont les  moindres faits et gestes sont surveillés par la National Security Agency (NSA) américaine. Objet de l’attention permanente des grandes oreilles virtuelles du réseau de surveillance mondial « Echelon ». Mais Fadia s’est placé du bon côté de la barrière. S’il s’introduit dans des systèmes informatiques aux données ultrasensibles, c’est pour mieux en souligner les failles.

D’autres n’ont pas cette vocation et encore moins la même éthique. Ce n’est donc pas pour rien si, depuis le début du siècle, les plus importantes agences de sécurité dans le monde, la NSA en tête, identifi ent le cyber-terrorisme comme étant potentiellement la menace la plus dangereuse qui guette les grandes nations. En Chine, aux États-Unis, en Argentine ou en Inde… une attaque informatique d’envergure pourrait créer une
catastrophe aux conséquences insoupçonnées.

La Bourse de New York incapable d’enregistrer l’achat ou la vente de la moindre action. Aucun avion qui décolle de l’aéroport de Nagoya. Les centres d’externalisation de Hyderabad coupés du monde des jours entiers. Ce sont là quelques-uns des scenarii de « Cyber Pearl Harbour » imaginés par les stratèges américains dès le début des années 2000. Déjà, les informaticiens faisaient tourner le monde…


Depuis, les réseaux se sont développés, la connaissance et les capacités de ces  spécialistes se sont considérablement densifiées. C’est ce qui permet d’ailleurs à une guerre virtuelle de faire rage entre deux puissantes nations – les États-Unis et la Chine – sans que le monde n’en mesure l’ampleur. Derrière toutes ces menaces virtuelles et réelles se cachent des clones de Fadia.


Ces as de l’informatique, il ne faut pas nécessairement les chercher du côté des chambres d’étudiants du Massachussetts Institute of Technology ou dans les lotissements bourgeois de Bangalore. Nous en avons également chez nous. Ils sont certes Mauriciens, mais beaucoup de ces génies du 0 et du 1 ont choisi de s’expatrier à Singapour, aux États-Unis, en Europe, voire en Inde. Là-bas, au-delà de l’argent, il y a des challenges à relever ! Loin de cette île Maurice où un de leurs compatriotes sur trois n’a pas accès à Internet. Et où ceux qui surfent sont, pour la plupart, encore réticents à sortir la carte de crédit pour un achat sur Amazon ou Ebay.


Il ne faudrait toutefois pas se lamenter sur ces cerveaux qui ont choisi d’autres prairies. Pensons à ceux qui sont ici et à la manière dont « la culture informatique » leur est inculquée. Voilà une vingtaine d’années que des cours d’informatique sont dispensés au secondaire et dans le cycle universitaire à Maurice. Or, malgré l’expérience acquise, l’enseignement de cette discipline paraît toujours aussi théorique. L’aveu provient du ministère de la Technologie informatique lui-même. Le récent National ICT Strategic Plan (2011-2014) admet que si les diplômés en informatique de nos universités trouvent rapidement un job, leurs employeurs les considèrent cependant comme n’étant pas « job-ready ».


La faute à l’environnement informatique local. D’une part, il y a cette méthode  d’enseignement en déphasage avec les réalités modernes. Qui se contente d’initier nos enfants, depuis des années, à Word, Excel, Internet Explorer, Powerpoint, tout en leur apprenant des rudiments théoriques de la programmation. D’autre part, un grave handicap infra structurel. Si Maurice est un exemple en Afrique, il est loin d’être un modèle pour le monde en matière informatique. Le rapport Networked Readiness Index 2010-2011 du World Economic Forum le confirme. Sur 138 pays, Maurice se classe 78e par rapport à l’accès aux réseaux. Nous occupons également la 76e place dans leur utilisation.


Une vraie démocratisation de l’accès à Internet et à l’informatique, à travers des baisses de prix de connexion et du coût des ordinateurs. Une refonte de la manière dont l’informatique est enseignée dans les écoles, collèges et universités. La création d’une vraie fi lière d’excellence capable de produire des Mark Zuckerberg et des Ankit Fadia. La recette est connue depuis que Sarat Lallah a inauguré le poste de ministre de l’Informatique, il y a presque 20 ans. Pourtant, on fait du surplace depuis. Le dernier Strategic Plan national reprend, à quelques nuances près, les mêmes recettes. Mais
pour nourrir en étudiants la future ICT Academy nationale, il faut que tout le système mue. Si, pour l’heure, on ne voit même pas les premiers signes de la métamorphose, osons espérer que cela viendra.

Entre-temps, au lieu de découvrir avec stupeur – mais aussi avec un brin de fi erté – que nos collégiens ont piraté le site d’une grande entreprise… contentons-nous de savoir que les gangs rivaux de deux collèges des Plaines-Wilhems se sont illustrés…
en décidant de faire la paix cette semaine !