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Tsunami!
Les mots sont ce que nous en faisons. Ils ne participent pas de la seule logique nominaliste. Ils ne traduisent pas systématiquement une pensée ou une réalité. Ils ont, par contre, souvent tendance à être ronflants, gonflants, voire le reflet inflationniste des locuteurs en mal de sensation. Ils peuvent aussi se défier de leur fonction déictique pour détourner les faits à l’avantage de leurs émetteurs.
Dire, c’est toujours une histoire à raconter. C’est in fine se dire dans un souci de s’approprier le monde. D’en dresser les contours les plus sombres. Ces temps derniers, tout le monde a ce substantif à la bouche: «tsunami». Le terme est devenu à la «mode» avec les tremblements de terre et les ondes océaniques qui ont provoqué des centaines de morts à travers le monde. La propension au catastrophisme trouve son aboutissement dans ce raccourci sémantique.
Nos politiques tempêtent, rouspètent, rugissent, à tort ou à raison, à coups de «tsunami»! Ils, surtout ceux de l’opposition, voient des tsunamis partout. Que ce soit dans le monde des affaires, les écarts de conduite de nos gouvernants, la hausse des prix, la situation de l’emploi, l’outrancière financiarisation de la société, la criminalité galopante, la déliquescence de certains corps paraétatiques, des politiques livrés à l’argent facile, les pseudos crises politiques… Bref, il serait prétentieux d’être exhaustif dans l’établissement d’une telle liste.
Face à de tels écarts et une incapacité à donner une orientation aux affaires du pays, les gouvernants, eux aussi, choisissent de jouer la carte de l’offensive. Avec un Premier ministre qui veut se donner des aires de «chef d’Etat», ce sont les seconds couteaux qui sont chargés de régler le compte aux opposants. Eux ne hurlent pas au «tsunami». Ils y voient de la malveillance et des billevesées de mégère dans ce qui est dit par leurs adversaires.
C’est qu’ils oublient sciemment de nous dire, c’est qu’ils passent beaucoup de leurs temps dans des réunions et des comités. Des rencontres qui ne servent pas à grand-chose puisque le mandarin ne daigne pas souvent gratifier de sa présence les rencontres des réunionnites. Dans le fond, nous sommes donc condamnés à l’immobilisme puisque rien ne se fait sans l’imprimatur du suzerain.
Dès lors, les mots vaquent, divaguent, dérapent, dans un camp comme dans l’autre, vers le non-sens. Il ne s’agit pas ici de dénoncer les oiseaux de mauvais augure. Encore moins est-il question de passer sous silence les combines de certains agitateurs. Les problèmes sont réels. Les pistes exploitées pour les résoudre sont autant de poudre jetée aux yeux des crédules. Les premiers veulent accélérer le temps pour occuper le pouvoir. Les seconds tentent de gagner du temps pour faire oublier leur inertie.
Mais sapristi qu’on nous épargne ce mot de «tsunami». Car il relève plus du drame humain que du psychodrame politique. Il y a certaines choses qu’on n’a pas le droit de banaliser.
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